@Exposition


rouges-gorges
&
cosaques

Philippe Millot
et les éditions Cent pages

Une proposition des étudiants
de l’ÉESAB site de Rennes.

@Seuils

00:00:00 00:00:10

Mais de quoi s’agit-il? De littérature en gants de boxe? D’érudits d’édition? D’oiseaux passériformes? De jansénistes du livre?
Un vrai Mystère, sans meringue à l’intérieur.
Inachevé d’archiver en mai 2012, ce wiki a pour parents un raccourci d’entrée standard et onze irréductibles ayant travaillé à résoudre l’énigme Philippe Millot/Cent pages.
«Rapide» dit l’Hawaïen de cette page fabriquée de bric et de boîtes, questionnant d’un regard atypique les canons de mise en page, les choix iconographiques et la notion de paratexte.
Merci à Robin, à l’habitant des Carpates, à Jan, Raoul et à l’intrépide soldat russe sans oublier le caractère libéré de l’épouse d’Hephaïstos.

@Interview

Assis dans un Pesce, posés sur une Rietveld, onze galettes saucisses et deux fricadelles se retrouvèrent en plein cœur de la Wilaya de Blida à écouter la véritable histoire d’O’SpMillot à la lueur de Sotsass.

@Cris et chuchotements

00:00:10 02:31:43

@Maximes capitales

00:00:00 00:06:18,388

L’adpf

00:06:18,388 00:16:54

Faire des livres

00:16:54 00:19:17

Histoire de collections

00:19:23 00:28:09,154

Millot et les Cent pages

00:28:09,154 00:40:02,939

Les Cosaques

00:31:58,351 00:40:02,939

Distributeurs et libraires

00:40:00,606 00:42:00

Recettes toutes faites

00:42:04 00:44:47

La naissance des ours

00:44:47 01:06:59,360

Imprimeurs et commanditaires

01:07:02 01:11:54

Millot, Gadet d’un commun accord

01:10:20 01:33:56

Lecture et mise en page

01:29:15 01:37:47

L’Albatros

01:33:44 01:52:00

Livres et images

01:39:54 01:52:00

O.K. Voltaire

01:52:00 02:01:10

Impression et façonnage

02:01:20 02:04:31

L’ histoire de la cuillère

02:04:31 02:06:19

Éditeur de livres de livres

02:06:19 02:14:58

Le coup du catalogue

02:14:58 02:29:39

Ours et typographie

02:22:40 02:31:32

Mr. Carter

@Le degré zéro de l’écriture

00:00:0000:02:49,838

Philippe Millot Avec Olivier on s’est rencontré lorsqu’on travaillait pour le Ministère des Affaires étrangères au sein de l’association pour la diffusion de la pensée française (adpf). Le premier livre sur lequel on a travaillé c’est l’Essai, on ne vous le montre pas, car on l’aime bien tous les deux. Olivier travaillait déjà au Ministère et Anne Parian m’a appelé pour que je dessine des livres pour eux. On a été un peu contraint et forcé de travailler ensemble et donc, on a fait le premier livre: l’Essai qui de mon point de vue n’était pas bien. Il s’agissait d’un essai sur l’essai. J’ai dit à Anne Parian que le livre n’était pas bien, qu’on n’avait pas bien travaillé et comme toujours dans ce cas-là on pense qu’on n’est pas les seuls à ne pas avoir bien travaillé. J’ai dit que je n’avais pas aimé la façon dont elle, autant que l’imprimeur et le fabricant, avaient travaillé, et que si nous devions en faire un autre il faudrait que ça se passe autrement. Et Olivier a dit quelque chose dans le même genre.

Isabelle Jégo Quels étaient vos rôles respectifs sur ce livre?

Olivier Gadet Anne avait demandé à Philippe de faire la couverture, le format était imposé, le papier était imposé, c’était dans une suite de collection et Philippe devait faire les pages de titres et un gabarit, et nous, nous développions le livre à partir de ça. Mais on avait peu de latitude: tout était décidé par le Ministère.

00:02:49,83800:03:43,936

Philippe Millot La collection était déjà en route, le travail était déjà totalement cerné. D’ailleurs au départ, j’avais refusé. Mais finalement elle m’a dit que l’idée était de faire celui-là comme ça et puis qu’on verrait après. Donc c’est vrai qu’au départ ça ne m’intéressait pas, et puis à la fin, c’était comme c’était.

Olivier Gadet Oui le livre n’était pas très réussi, mais pour celui d’après on a changé de façon de faire.

00:03:43,93600:06:18,388

Philippe Millot L’idée c’était que cela rentre dans la collection. Dès le premier, je lui avais dit globalement non, puis au fur et à mesure on a gardé de la collection pré-existante simplement le format 15×25. Pour chaque ouvrage il s’agit d’une bibliographie autour d’un thème ou d’un auteur. Au départ, c’était simplement des livrets bibliographiques donnés aux bibliothèques, aux instituts français à l’étranger pour leur permettre de commander des livres sur ces sujets. C’était donc une ouverture, puis au fur et à mesure, les livres sont devenus de plus en plus livres. On a donc rajouté des images, des introductions, et plus ça allait, plus le livre se complexifiait. Donc à chaque livre on inventait une nouvelle façon de donner le contenu, une nouvelle fabrication et avec une nouvelle exigence: celle de l’iconographie. On la construisait et de fait, les livres devenaient de plus en plus riches, longs à faire, et embêtants à défendre…

Olivier Gadet …et à faire aussi, amusant/embêtant.

00:06:18,38800:08:50,559

Philippe Millot Oui c’était très, très long par rapport aux premiers.(À propos du livre sur Deleuze) Voilà celui-là, par exemple, se plie de manière un peu étrange. C’est né d’une première exigence, celle que le portrait de Deleuze existe sans être coupé dans le format et qu’il fasse quand même la couverture. Il ne fallait pas couper le portrait de Deleuze. On le coupe un peu mais c’était interdit. Ces livres étaient publiés à 12000 exemplaires alors ça posait des problèmes de production: ils ne pouvaient pas être fabriqués à la main. Alors il fallait trouver —et c’est là qu’Olivier intervient— la personne qui réponde à ça et qui pourra le faire. En gros, il y a trois types de réponse dans ce cas-là:
– « oui, oui donnez-le moi, y a pas de problème », c’est mauvais signe.
– « ça, on peut pas le faire, c’est impossible », c’est faux on fait des choses bien plus compliquées dans la vie alors ça doit être faisable.
– « bon, il y a des problèmes mais on va le faire », mais en général il ne le fera qu’une fois. Et il faut en trouver un nouveau à chaque fois.

00:08:50,55900:09:59,236

Olivier Gadet Mais bon ça paraît loin tout ça, aujourd’hui il n’y a plus personne qui voudrait faire cela.

Philippe Millot Mais personne n’a jamais voulu les faire. Et de plus en plus, personne ne veut les faire.

Olivier Gadet (En parlant des gens qui commandent les livres) Oui, car il faut travailler un petit peu plus, ça coûte un peu plus cher parce qu’il faut réfléchir un peu plus.

Philippe Millot Non, ça n’est pas totalement vrai car les livres que l’on faisait n’étaient pas plus chers que ceux qu’ils faisaient avant.

Olivier Gadet C’est un spécialiste des questions budgétaires qui vous parle, attention!

00:09:59,23600:09:59,236

Philippe Millot Ce n’est pas qu’une question d’argent, c’est une question d’avoir envie de suivre ou pas. Avant qu’on les prenne en charge, ces livres existaient déjà mais ils n’étaient pas faits comme ça. Et après nous, ils ont continué d’en faire et ils n’étaient pas faits comme ça non plus. Et les livres qu’ils font aujourd’hui sont très mauvais. Il faut des gens pour les vouloir et aussi des gens pour les accepter. Parce que c’est aussi ça le truc, si vous ne le proposez pas, personne ne viendra vous le demander. Donc il a bien fallu qu’on dise à un moment « c’est comme ça qu’on veut les faire ». Et puis eux, ça résistait. Souvent on me dit: « Ah, c’est bien d’avoir carte blanche ». Mais je n’ai jamais eu carte blanche et Olivier non plus. Et c’était compliqué. En gros, tous les quatre livres, j’avais un rendez-vous avec Yves Mabin, le directeur de livre au Ministère des Affaires étrangères, qui me disait qu’on ne pouvait pas continuer. « On peut pas, on peut plus, on aimerait bien mais vous comprenez… Si ça ne tenait qu’à nous, on en ferait beaucoup plus, mais vraiment, on peut plus. On peut plus parce que… ils veulent plus. » Mais qui ne veut plus? Le président de la République? Le Premier ministre? Bon, personne…

00:09:59,23600:13:02,254

Sophie Millot Non mais il y a un truc aussi avec les livres, ce n’est pas tellement le prix que ça coûte mais le prix que ça a l’air de coûter. Quand on voit des livres comme ça avec un peu de fabrication, ils se disent tout de suite que ça a encore coûté une fortune même si ce n’est pas vrai. Et du coup, que le client soit obligé de se justifier devant sa tutelle en disant « Et bien non, ce livre ne m’a pas coûté plus que l’affreux livre qu’on a fait avant », ça ne marche pas. Ils n’y croient pas. Et pourtant.

00:13:02,25400:14:00,000

Philippe Millot Il faut toujours inverser le propos, car par exemple dans les conférences que l’on fait à propos des éditions Cent pages, on nous dit que c’est parce qu’on n’est pas Gallimard ou La Martinière qu’on peut faire des livres qui ont une spécificité et qui ont physiquement et littérairement un intérêt partagé. Le tout fait tout, bon. Ce n’est pas vrai, d’ailleurs il y a aussi plein d’éditeurs qui ont une structure de la taille de celle d’Olivier et qui font n’importe quoi. Vous avez aussi des gens chez Penguin Books, une grosse maison d’édition qui ont fait des choses intéressantes. Donc la relation n’est pas que celle-là. Il faut faire attention à cela.

00:14:00,00000:14:42,053

Philippe Millot Bon, il est évident que sur un livre comme celui-là (qui n’a l’air de rien, comme ça, mais en fabrication c’était déjà pas si simple), en fait les gardes font partie du livre et sont collées sur la couverture. Et en même temps ça s’ouvre très bien. Ce n’est pas évident, et puis après, vous avez une citation, qui est comme la 2e et 3e de couverture qui est partagée en deux, entre la première et la dernière, là!

00:14:42,05300:15:35,249

Puis après vous avez des choses dedans, parce que… j’avais dit que je ferais tout le livre en tapant à la machine à écrire… ce qui était le cas, mais ce qu’il y a, c’est qu’après, ils ont fait des corrections. Alors je n’allais pas tout retaper, donc j’ai dit « c’est pas grave, on va les ajouter comme ça, puis on fera un cliché du tout ». Bon… ils suivent! On ne va pas dire le contraire, ils ont suivi sur un truc comme ça, mais en même temps, personne ne l’a jamais demandé. Ils auraient préféré qu’on passe moins de temps, que le livre soit fait normalement et que… et qu’on y aille quoi! Vous pouvez les regarder, c’est tous ceux-là… Vous pouvez les faire passer. Et c’est ce qui c’est passé, il y a cinq couleurs différentes.

00:15:35,24900:15:36

Isabelle Jégo C’est le même livre?

00:15:3600:16:01,504

Philippe Millot C’est le même livre. C’est jouer sur des procédés de fabrication. C’est le fait de dire que, puisque pour faire telle quantité de livres, il faut qu’on commande tant de rames de papier, plutôt que de commander cinq rames de la même couleur, on commande cinq fois une rame de cinq couleurs différentes. C’est possible.

00:16:01,50400:16:54

Donc, ils en ont eu un peu assez de discuter, je crois, sur tout ça… Il y avait deux choses: 1) ça les agaçait de discuter un peu trop souvent je crois, de devoir réfléchir à chaque fois au fait que le livre avait une couverture différente, un intérieur différent, avec une fabrication différente, donc de se reposer toutes les questions à chaque fois. Puis il y avait une autre chose qui les agaçait, je crois, enfin qui les peinait au fur et à mesure pour leur tutelle, c’est que les livres ne se reconnaissaient pas paraît-il! C’est-à-dire qu’entre ça et ça, c’est pas pareil!

Isabelle Jégo Ça c’est grave!

00:16:5400:17:27,026

Philippe Millot Et ça, c’est embêtant, mais là où le discours ne tient pas très, très longtemps, c’est que donc… ils en ont eu un peu assez, de travailler avec moi, j’en sais rien avec Olivier, je sais pas, non? Mais en tout cas, ils se sont dit « on va aller en demander à d’autres », à d’autres personne qu’à moi. Et ce qui s’est passé, c’est que les gens à qui ils confiaient les livres leur disaient « nous, ce qu’on fait comme livres, c’est ça! ». Donc… bon maintenant, vous en commandez un, faites-en un, et eux ils faisaient quoi, ils faisaient ça!

00:17:27,02600:18:23,077

Donc… vous voyez bien que ça fait collection en fait, et collection, c’est pas le titre au même endroit, l’image à la même place, c’est pas forcément Folio. La collection, ça peut être un état d’esprit. Et c’est plus compliqué à définir. Ça veut dire… que pour autant, ça se charte moins, mais pour autant ceux qui ont commencé à… ils en ont fait deux ou trois, ils ont fait exactement ça, ils ont copié. Et là, je leur ai dit, ça va pas être possible, on va pas pouvoir continuer comme ça. Vous pouvez pas à la fois dire que j’ai pas fait une collection et à la fois dire aux autres: « faites comme ça »! Donc on a discuté un peu, et on a dit… on va refaire une collection. Alors là, j’en n’ai apporté qu’un. On va faire une collection, c’est-à-dire que tous les livres vont avoir la même couverture. Puis, ils avaient un désir quand même, c’était la collection blanche de Gallimard, qui est la plus belle collection de livres du monde. Et de loin!

Olivier Gadet (en même temps ) Et de loin!

00:18:23,07700:19:23

Philippe Millot Et de très très loin! Donc il fallait absolument, qu’on fasse la même chose. Visiblement c’est un truc, qui revenait assez souvent chez eux, il fallait faire comme les autres. Et donc, on a fait ça! Et alors là le truc, c’est qu’on a essayé de définir à la fois une fabrication générale, identique pour tous les bouquins, autant pour les papiers intérieurs que pour la couverture et puis après, moi j’ai défini un gabarit qu’il fallait pour tous les livres, et qui permettait à chaque livre d’être différent. C’est-à-dire que la couverture était globalement la même à tous les coups, même difficilement différenciable, de loin c’était toujours la même. À part les noms qui changeaient. Mais en revanche à l’intérieur, c’était tout le temps différent. Donc ça prenait aussi beaucoup de temps. Mais bon! Enfin voilà c’était juste pour faire un petit tour sur comment on avait commencé à travailler avec Olivier.

00:19:2300:19:40,564

Philippe MillotEt puis je ne sais pas en fait, à partir de quel moment on m’avait demandé de travailler sur les livres Cents pages.

00:19:40,56400:20:09,377

Olivier Gadet Avec la première série Cosaques… On n’en a pas là? Je crois que ça, c’était en 2001, donc on a commencé en fait avec les adpf, donc les premiers c’était 98, 99, 2000, puis ça s’est poursuivi jusqu’en 2008 je crois, à peu près 2008-2009.

Philippe Millot Oui, je ne sais plus, mais oui!

00:20:09,37700:20:18,522

Olivier Gadet Avec les différentes collections telles que les a décrites Philippe. Les livres Cent pages, ça a commencé en 2001.

00:20:18,52200:20:24,452

Isabelle Jégo Avec Philippe? Ça existait avant, Cent pages?

00:20:24,45200:21:53,223

Olivier Gadet Ça existait avant. Moi en fait j’ai deux activités, qui sont toutes proches. C’est que je suis éditeur et comme il est un peu difficile de vivre de ce que l’on fait quand on est éditeur, enfin le genre d’édition que je propose moi, je suis aussi fabricant. C’est pour ça que les livres de l’adpf étaient fabriqués par nous et puis qu’on avait aussi d’autres types de livres à fabriquer. Donc il y a ces deux activités de fabrication et d’édition qui sont assez distinctes. Et donc le début de l’histoire avec Philippe pour les livres des éditions Cent pages à proprement parler, c’est cette série-là, la série « Cosaques ». Que vous avez peut-être déjà vue, qui est la première mouture de cette série-là. Donc ça a démarré en 2001, j’avais un certain nombre de textes que je trouvais un petit peu différents du reste de ce que je faisais, qui étaient peut-être plus virulents, plus polémiques, à la marge de la littérature, et je voulais leur donner un format différent des autres et une allure différente des autres. Donc ça, ça a été… je crois que j’en avais… enfin au départ, il me semble me souvenir assez précisément que le premier mot que j’ai envoyé à Philippe pour ça, c’était voilà j’ai sept ou huit livres, je vais lui donner un format me semble-t-il, je lui disais que je souhaitais que ce soit un papier intérieur de tel type, je ne sais plus exactement lequel, enfin un type assez banal.

Philippe Millot Un bouffant!

00:21:53,22300:24:18,543

Olivier Gadet Je lui disais que la plupart du temps, les livres seraient composés uniquement de texte, et puis que j’aurais donc aimé qu’il me conçoive ou qu’il me dessine quelque chose pour cette série qui allait s’appeler « Cosaques ». Ça c’était le premier acte. Le deuxième, alors là cette fois, c’est les livres gris. C’est quelques années plus tard lorsque le distributeur, qui s’appelait Les Belles Lettres, enfin Belles Lettres Éditeur mais qui est un département qui a un département diffusion-distribution, qui stocke tous les ouvrages dans un entrepôt. Et en fait en 2002 cet entrepôt a brûlé. Donc, il y a eu un grand incendie et beaucoup beaucoup d’éditeurs, je crois qu’ils étaient à l’époque une cinquantaine aux Belles Lettres, ont perdu tout leur fond y compris les Belles Lettres avec des choses qui remontaient, un fond très ancien. Et donc en 2002, n’ayant pratiquement plus aucun stock disponible à part ceux que j’avais gardés dans mes locaux à moi, je me suis retrouvé face au fait qu’il fallait refaire, d’une manière assez urgente, un certain nombre de titres pour réapprovisionner. Et à ce moment-là, c’est vrai que j’en ai parlé à Philippe et je me suis dit, puisqu’on redémarre pratiquement à zéro, c’est peut-être l’occasion de créer quelque chose de nouveau à partir de ces livres-là. C’est de là qu’on est parti. Donc il y avait une première salve, si je puis dire, d’une dizaine de titres et là on est reparti, en fait on a simplement, dans un premier temps comme on était vraiment pressé, c’était très urgent, il fallait refaire tous ces livres, on est parti sur l’idée de ne refaire que le système de couverture. En fait de refaire les blocs intérieurs, alors vraiment à la va-vite, je sais plus comment on s’est débrouillé mais en gardant ce que l’on faisait avant, avant de travailler avec Philippe.

00:24:18,54300:24:41,745

Philippe Millot J’avais dit en gros de mémoire toujours, que je n’étais pas d’accord, ne faire que la couverture ne m’intéressait pas mais que… je me suis montré plus ouvert. J’ai dit, je comprends la situation donc on y va, allez on ne fait que les couvertures, mais pas les suivants.

00:24:41,74500:24:46,506

Olivier Gadet Voilà! Donc on a fait quoi? On en a fait une dizaine comme ça?

Philippe Millot Oui!

00:24:46,50600:27:58,890

Olivier Gadet Et ensuite, au fur et à mesure. Soit au fur et à mesure des réimpressions, soit au fur et à mesure des nouveautés, Philippe a donc pu faire ce qu’il souhaitait, ce que je souhaitais aussi au fond, c’est-à-dire le livre aussi bien dans son aspect extérieur, couverture, que les pages intérieures. Et là donc le premier de cette série-là, c’est Le Petit bossu. Voilà, celui-ci. Donc à partir de celui-ci qui date de 2003, donc un an après l’incendie dont j’ai parlé, Philippe a conçu et dessiné pratiquement tous les livres que j’ai édités. Je sais pas, si on imagine qu’il y a une moyenne de six ou sept livres par an multipliés par huit ans, voilà une cinquantaine ou une soixantaine de titres différents. Alors je me souviens, quand il m’a montré les premières couvertures, puis après les premiers intérieurs, je me suis dit « tiens, c’est bizarre, c’est comme si on se promenait avec un livre normal et puis qu’on le fasse tomber par terre, qu’il se brise en mille morceaux et qu’on se demande dans quel sens on va remonter tous ces morceaux ». C’est-à-dire que la photographie qui est habituellement en première de couverture se retrouve en quatrième de couverture, le texte qui est en quatrième de couverture habituellement se retrouve en première de couverture, que le prix et le code barre qui sont habituellement quelque part en quatrième de couverture en général plus ou moins bien mélangés avec le texte sont sur la tranche, etc. Et pour l’intérieur ça fonctionnait un petit peu de la même façon, c’est-à-dire qu’à chaque fois, on se demandait comment les choses était faites et pourquoi? Et comment est-ce qu’on pourrait les faire différemment? Pareil pour le système de titrage, enfin moi c’est ce que j’ai imaginé quand je recevais les choses, de me dire à la fois ça se lit très facilement, si on accepte de le lire comme ça: Maurice Raphaël « Le piano, la naine et les chiens errants », éditions Cent pages et si on revient dessus, on se dit « non mais, qu’est-ce que c’est cette histoire? », on regarde: il n’y a pas de « C », on voit un chien, le « E », « T », le « E » et le « T » sont mélangés. En fait, ça fonctionne, un petit peu, presque à l’opposé de ce qu’on voit très souvent, où dans un premier temps c’est très compliqué à lire et puis petit à petit en faisant un effort, on arrive à le lire. Alors que là ça fonctionne, je trouve, un peu de la manière contraire, c’est-à-dire que c’est très facile à lire et plus on le lit, plus c’est compliqué. Ça, ça me plaisait assez, ça veut dire qu’on renversait vraiment, me semble-t-il, dans tous les domaines, on renversait la logique et l’ordre. Voilà!

00:27:58,89000:28:09,154

Olivier Gadet Donc ça, c’est cette série qu’on a appelée « Rouge-Gorge » puis dès qu’on l’a appelée Rouge-Gorge on a changé les couleurs des tranches.

Philippe Millot C’est ça.

00:28:09,15400:28:09,558

Olivier Gadet Et puis ensuite il y a eu une nouvelle série: « Cosaques »…

00:28:09,55800:28:35,829

Isabelle Jégo Et donc ça s’appelle toujours « Rouge-Gorge »?

Philippe Millot Toujours oui.

Olivier Gadet Oui… quand ça s’appelle… Et après Philippe a redessiné la petite collection dont je parlais tout à l’heure: la petite collection Cosaques. Pour en faire CECI. C’est-à-dire où là sur la une, le titre et le nom de l’auteur disparaissent complètement.

00:28:35,82900:28:35,829

Isabelle Jégo Mais ce sont des nouveaux titres? Il n’y a pas eu de rééditions de titres?

Sophie Millot Si…

Philippe Millot Si.

Isabelle Jégo Si?

Sophie Millot Si…

Philippe Millot Si, par exemple le…

Olivier Gadet Hum si si…

Philippe Millot Le Blanqui…

Sophie Millot Celui là aussi…

Isabelle Jégo Il existe en autre version?

Philippe Millot Il existe en version comme ça.

Isabelle Jégo Ah oui?

Philippe Millot Hum.

Sophie Millot Il y en a… il est pas là?

Philippe Millot Non.

Olivier Gadet Non.

Sophie Millot Okay, de voir la différence… Ou d’en voir d’autres, enfin les mêmes avant où… la couv…

Philippe Millot Le Blanqui… Et puis le… Lettre à des morts.

Sophie Millot Ben oui…

Olivier Gadet Ah oui, Lettre à des morts, il y en a trois ou quatre…

Philippe Millot …versions.

Olivier Gadet Versions.

Sophie Millot Oui Lettre à des morts il est…

Philippe Millot Des générations successives…

00:28:35,82900:29:25,725

Isabelle Jégo Mais il y a eu plusieurs versions successives de celui-là?

Philippe Millot Il y avait plusieurs éditions déjà par Olivier seul avant.

Olivier Gadet Oui.

00:29:25,72500:29:30,502

Philippe Millot Et puis nous deux, enfin moi j’en ai fait deux.

Isabelle Jégo D’accord il a existé…

00:29:30,50200:29:43,978

Olivier Gadet Il y en a eu… non. Ah oui deux. Oui il y a eu trois éditions. Dont deux ont été faites par Philippe et une…

Philippe Millot Avant.

00:29:43,97800:30:09,060

Olivier Gadet Et puis sur la collection, sur la collection Cosaques, on se permet de jouer avec le format de base, comme ici tu vois. Il doit être de mémoire de 11×17 pour faire des variations. Celui-là par exemple il nous fait 11×17 mais… à l’horizontale.

Isabelle Jégo Ah ok, ok.

00:30:09,06000:30:32,740

Sophie Millot Ça c’est une encre…

Isabelle Jégo Phosphorescente?

Olivier Gadet Autolumninescente.

Philippe Millot Photolumninescente. C’est-à-dire que si, si vous allez par exemple vous cacher… C’est une ampoule, donc une fois que… C’est un livre éclairant.

Sophie Millot Très éclairant.

00:30:32,74000:30:55,397

Olivier Gadet Donc toujours avec ce… On n’a pas le Frisch plutôt ?

Philippe Millot Non non… Voooilà!

On a pas le Frisch plutôt ? Olivier Gadet Donc ça c’est un demi-format. Comme celui-ci par exemple.

Isabelle Jégo Humhum. Ok.

Olivier Gadet On peut arriver à faire un demi de demi, comme ici, ici, puis ici.

Isabelle Jégo oui.

Philippe Millot oui.

00:30:55,39700:31:31,989

Isabelle Jégo Il y a pas un double…

Philippe Millot Mmmh peut-être un petit…

Isabelle Jégo Un double-Cosaques?

Olivier Gadet Ah il y a un très…

Philippe Millot Si!

Olivier Gadet Il y a un très grand Cosaques…

Isabelle Jégo (rires)

Philippe Millot Il y a un double-Cosaques avec Chaval… qui est… Il est là? Là non plus il n’y a pas de Chaval là dedans. Je vais aller chercher un double-Chaval… un double-Cosaques et un… triple-Cosaques.

00:31:31,98900:31:43,721

Isabelle Jégo Il y a un triple-Cosaques?!

Philippe Millot Il y en a plus que triple!

Olivier Gadet Aaaah, il y a un triple-triple.

Marie Hume Ah c’est moi qui ai les Cosaques.

Olivier Gadet Oui.

Marie Hume C’est pas celui-là que vous cherchez?

Isabelle Jégo Si.

Olivier Gadet Non.

Isabelle Jégo Là il y a les Cosaques, là il y a les vieux Cosaques et les nouveaux Cosaques.

00:31:43,72100:31:58,351

Olivier Gadet Vous, vous avez les vieux.

Marie Hume Ah c’est les vieux, c’est pas… ok.

Isabelle Jégo Et là y’a un…

Olivier Gadet …vieux Cosaque.

Isabelle Jégo Vieux Cosaques et les nouveaux Cosaques. Dont celui-là qui existe en vieux et en nouveau.

Marie Hume Ok.

00:31:58,35100:32:06,505

Olivier Gadet Alors ce qui est marrant c’est que, quand on fait des livres, quand on édite des livres on doit les vendre en blanc. Enfin on doit essayer de les voir en blanc. C’est une règle.

Isabelle Jégo Oui… (rires).

00:32:06,50500:33:56,846

Olivier Gadet Et pour les vendre on passe par un distributeur donc et les distributeurs sont diffuseurs-distributeurs. Et donc son boulot c’est de présenter les livres avant qu’ils ne paraissent et d’enregistrer les commandes dans les librairies. Et un diffuseur-distributeur, lui ce qu’il aime, c’est vraiment des livres qui ressemblent aux autres. Comme ça, il sait de quoi il va parler et de quoi il ne va pas parler. Donc à chaque fois qu’on a essayé d’innover, de faire quelque chose d’un petit peu différent, à chaque fois on nous disait « non mais là ça va pas », « c’est trop grand » ou « c’est trop petit » ou « on va perdre la jaquette » ou… je ne sais plus quel est le genre d’argument. Ce qui fait que pour contourner ça, on s’est dit: on va inverser la façon dont les autres éditeurs font les livres. C’est-à-dire que les autres éditeurs vont d’abord présenter leur livre puis ensuite les représentants tournent pendant trois, quatre, cinq mois, ça peut être assez long et le livre sort et est imprimé et fabriqué au bout de cette période-là. Nous en fait, on fabrique les livres avant. Comme ça on le donne directement au représentant et on s’aperçoit que quand le représentant ou la structure de diffusion possède l’objet, l’a dans les mains, en fait ça passe beaucoup mieux. « Ah oui, là c’est bien ce que vous avez fait! », si on était allé les voir six mois avant en leur disant « On va faire ça… » ils auraient dit « Ah non mais ça va pas, vous êtes fous… »

Isabelle Jégo « Alors on va pas mettre le titre sur la couverture… »

Olivier Gadet Par exemple, voilà…

Isabelle Jégo « On va le mettre que sur le dos… » (rires)

Olivier Gadet Je sais pas qui est-ce qui a les nouveaux Cosaques mais le fait qu’il n’y ait pas de titre sur la une de couverture, pour eux, ça apparaît comme une hérésie absolue. De travailler avec… Celui-ci, non pardon, celui-ci qui est celui qui finalement s’est le mieux vendu de tout notre catalogue, quand on est arrivé avec ça… « C’est quoi dix, c’est quoi… », enfin ils ne comprenaient rien, ils ne savaient pas de quoi il s’agissait et puis… Enfin moi j’aime bien que les gens qui ont à faire à ce genre de livres cherchent, donc je mets plein de notices sur l’auteur…

00:33:56,84600:34:03,522

(Sophie Millot apporte le triple-triple Cosaques, ouvrage sur Frans Masereel)

Isabelle Jégo Hum! Voilà je comprends…

??? PFFFFFFF!

Olivier Gadet Ben voilà!

??? ROOOO!

??? Puuuutin…

00:34:03,52200:34:29,284

Olivier Gadet Voyez autant celui-là était trop petit, autant celui-là était trop grand; par exemple.

Philippe Millot Parce que celui-là c’est un double.

Isabelle Jégo Un double-Cosaques.

Alexandre Leray Un double comme ça…

Philippe Millot Voilà ça c’est un double. Hors reliure, parce que c’est le format fini. Donc c’est un double et puis celui-là… c’est un neuf.

??? (rires)

00:34:29,28400:34:45,350

Philippe Millot C’est-à-dire qu’en fait comme on s’était dit bon on va pas —y’en a trois dans la largeur et puis y’en a trois dans la hauteur— c’est juste qu’on n’en avait pas sorti pendant un petit moment…

Olivier Gadet J’ai dit on va sortir dix Cosaques.

Philippe Millot Oui.

Olivier Gadet Alors on en a sorti en fait un de neuf…

Philippe Millot Oui

Olivier Gadet Et puis un autre.

Isabelle Jégo (rires)

Olivier Gadet Ça fait dix.

00:34:45,35000:35:17,098

Philippe Millot Ça fait dix. Et donc il existe de celui-là une version… En fait celui que vous avez dans les mains c’est le même que celui-là. (en montrant le petit Frans Masereel)

Alexandre Leray Ok.

Olivier Gadet Presque…

00:35:17,09800:36:02,005

Philippe Millot Exactement. Et donc là le format… c’est des blagues mais enfin des blagues avec le format. L’empagement, c’est le format de la collection Cosaques. Là, une sorte d’effet faux-calque. Puisque la suivante est la reprise à l’identique mais en noir… qui donne le sentiment qu’on a très peu tourné.

00:36:02,00500:36:57,136

Isabelle Jégo Là dans celui-là, les pages sont pliées, elles ne le sont pas dans…

Philippe Millot Elles ne le sont pas quand on l’acquiert mais elles disent peut-être qu’on pourrait le faire. Après je pense que beaucoup n’ont absolument aucune idée de quoi faire avec ça mais le principe initial c’est celui-là. Et c’est ce qui permet… En fait elles se plient une fois en haut, une fois en bas, une fois en haut, une fois en bas et ça permet d’avoir une sorte de sommaire et d’avoir des signets dans son propre livre. Après ça s’abîme et c’est une bonne chose. Le fait que le livre s’abîme ça paraît toujours… En tout cas on me signale assez régulièrement que le blanc c’est pas souhaitable parce que ça s’abîme, ça se salit, ça se…

00:36:57,13600:37:27,275

Olivier Gadet On a même dit un jour que le rouge, si par exemple il pleuvait sur le livre…

Philippe Millot Oui.

Olivier Gadet Par exemple…

??? (rires)

Olivier Gadet Ben ça allait déteindre.

??? (rires)

Alexandre Leray Si vous le mettez à la machine…

Philippe Millot Bon donc ça donne un peu le…

00:37:27,27500:37:30,430

Isabelle Jégo Et puis ça par exemple, les libraires détestent ces choses-là qui…

Olivier Gadet Oui.

Philippe Millot Oui.

Olivier Gadet Oui.

00:37:30,43000:37:46,800

Isabelle Jégo Là, toutes ces choses qui se promènent dans les livres, qui ne sont pas attachées, qui sont…

Olivier Gadet La plupart des libraires détestent ça. Mais je ne suis pas sûr qu’on travaille pour la plupart…

Philippe Millot Non…

00:37:46,80000:38:05,542

Olivier Gadet Ou avec la plupart… Mais ceux qui, en revanche, la « moinspart » autrement dit. La « moinspart », beaucoup. Ils sont pas nombreux mais je pense que c’est avec eux qu’on peut, qu’on doit travailler.

00:38:05,54200:39:30,933

Philippe Millot Après y’a une autre part dans le travail qui n’est pas dite mais… qui est le travail, pas si fréquent, avec les Belles Lettres en l’occurrence, avec les représentants. Et où c’est intéressant de venir leur parler de livres en leur disant ce qu’on a fait. C’est quoi ce qui nous occupe, c’est quoi… je ne sais plus mais pour un des livres, pour L’Éleveur de gorille, de Roberto Arlt. Alors lui il est allé sous l’eau d’ailleurs, parce qu’on voit… C’est parti d’une image qu’Olivier avait rapporté, de Arlt. C’est une petite coupure presse qui a été humidifiée donc on l’a gardée telle que, ça fait comme un soleil, comme un… Et puis il y a une autre chose qui est bien dans les livres (après je reviens à ce que je voulais vous dire sur les représentants) enfin là je l’ai déjà plus ou moins ouvert mais c’est le cri que le…

Isabelle Jégo Oui…

Philippe Millot …le crissement…

Isabelle Jégo …de la première ouverture.

Philippe Millot Oui.

Isabelle Jégo C’est le, c’est la couleur sur le…

00:39:30,93300:40:00,606

Philippe Millot C’est les tranches, c’est le fait de peindre qui ferme le livre véritablement. Donc la première fois qu’on l’ouvre, il y a une résistance du livre, il est plus dur déjà. Puis on entend une… Un livre c’est aussi ça. Et donc c’est des choses comme ça qu’on leur raconte aux représentants. D’ordinaire, on ne leur parle pas de ça, enfin ils attendent simplement qu’on leur présente des livres, qu’au prochain office le livre soit en librairie, mais…

00:40:00,60600:41:45

Olivier Gadet C’est vrai que la dernière fois on leur avait…

Philippe Millot On leur avait parlé de ça. C’est-à-dire qu’à la fin du livre j’ai mis véritablement non pas le nom de l’alphabet… Je ne le mets plus, je ne mets plus les noms d’alphabets ni tout ça… Au début parfois je mettais le nom du papier, le nom… Je ne le mets plus parce que je me suis aperçu que certains d’entre nous prennent des raccourcis avec l’expérience et c’est jamais bon. C’est-à-dire que, pour être plus clair, des pas forcément plus jeunes que moi, d’ailleurs parfois du même âge, se disaient « tiens, ça marche pas mal là son petit assemblage de ces deux alphabets, tiens, ça marche plutôt bien. Le papier avec le truc-là aussi c’est assez efficace tiens hum c’est bon je vais faire pareil…». Et alors… Non. Enfin je veux dire qu’ils fassent pareil ça ne me dérange pas dans le fond… quoique. Mais il faut qu’ils le trouvent quoi. Il faut travailler un peu quand même. Parce que ce qui est là c’est pas parce qu’on en a l’idée cinq minutes avant, dix minutes avant mais parce que ça fait vingt ans qu’on travaille et que ça n’est que parce que ça fait vingt ans que je travaille que je fais comme ça le livre. Je le faisais pas comme ça il y a quinze ans. Les premiers, je me souviens que les premiers bouquins que j’ai pu faire ils étaient mauvais, finalement très mauvais. Et donc pourquoi prendre un raccourci avec ça. Moi ça ne me dérange pas d’avoir fait des livres très mauvais. Ça ne me dérange pas parce que peut-être que j’ai l’impression d’en faire de mieux aujourd’hui, mais ça me ferait de la peine de penser que ce que j’ai fait avant n’existe pas. Donc c’est pas grave, bon. Mais avec les représentants je leur avais expliqué ça; c’est-à-dire comment est-ce qu’on fait un alphabet. Donc je ne mets pas le nom mais il y est l’alphabet, là. Tout le monde peut regarder et se dire « Ah, c’est cet alphabet-là d’accord bon… ». Et je leur expliquais ce qu’il avait de particulier.

00:41:4500:42:03,237

Philippe Millot C’est un alphabet très particulier parce que quand on le met en grand, en réalité il n’y a pas du tout de courbe, il n’y a aucune courbe. On a enlevé tous les points de tangente, on n’a au fond conservé que les points d’arête. Mais quand il est en petit, c’est difficile de le noter parce que ça ne se voit pas du tout.

00:42:03,23700:42:03,831

Alexandre Leray Dans ce cas, c’est qui le « on »?

Philippe Millot À enlever?

Alexandre Leray Oui.

00:42:03,83100:42:44,338

Philippe Millot Ah, c’est un ami. C’est un ami que nous connaissons, et il demeure exactement dans les environs de… je vais vous le dire… (lecture) « achevé, ABCD et puis ainsi de suite, de fabriquer par les éditions Cent pages, dessiné par SpMillot, et animé, des vertes étendues de la pampa argentine aux sonorités argotiques du lunfardo de la rue Corrientes par l’un des Sept fous de Arlt, le Chercheur d’or, Alejandro Lo Celso. C’est Horacio Coppola qui a réalisé les vues d’entrée et de sortie d’ouvrage. Buenos Aires Nancy Paris. À Tanger ça tangue aussi ». Ça, c’est l’achevé d’imprimer…

00:42:44,33800:43:18,091

Et tout est dit. Il y a tout dedans, tout ce que vous voulez savoir sur le comment on l’a fait, qui l’a fait, avec qui, avec quoi, c’est là-dedans, et où. Mais alors maintenant, il faut savoir comment. Faut le chercher. Mais bon. Et là par exemple, je leur avais fait le dessin au tableau, on avait pris un marqueur, et puis sur le paperboard, sur le tableau, je leur ai redessiné l’alphabet, je leur ai expliqué ce qu’étaient les courbes de Bézier. Les représentants, ils ne voient jamais ça.

Olivier Gadet Ah non, jamais, et pour cause.

00:43:18,09100:43:33,731

Philippe Millot Donc, on leur dit exactement ce que l’on fait. Pas comment on voudrait le vendre, parce que c’est pas nous ça. Et en fait on sait ce qu’on fait, on le sait exactement, donc on leur parle très précisément des choses qui sont intéressantes.

00:43:33,73100:44:47

Tout à l’heure, Rose et Joseph sont partis, mais si vous leur demandez ce qu’ils font, si par exemple vous leur demandez un soir à table « alors qu’est-ce que vous avez fait aujourd’hui? » alors les plus grands en général vont répondre « ah, c’était intéressant », « je me suis ennuyé » ou une anecdote, et il n’y a que les plus petits qui disent « ben alors moi aujourd’hui j’ai appris, alors… la table de trois: trois fois un: trois, trois fois deux: six ». Et ils vous disent exactement ce qu’ils font, c’est la chose qui est la plus intéressante, c’est-à-dire une chose qu’on a réellement apprise et que l’on sait faire. Mais les autres partent dans des trucs où ils ne veulent pas vraiment vous répondre parce qu’ils pourraient penser que ce n’est pas intéressant ou je ne sais quoi, mais ils ne disent rien de ce qu’ils font, juste des vagues ouï-dire, des opinions… Il n’y a que les petits qui vous disent exactement ce qu’ils font… « On a fait ce sport-là » et alors elle se lève de table (Rose) et elle commence à faire l’exercice… Bon, et bien c’est cela qui est intéressant.

Olivier Gadet Voilà, et nous on fait pareil.

Philippe Millot On fait pareil, on fait ce qui nous intéresse et puis on dit ce qui nous intéresse. Donc c’est assez simple. Et ça les fait marrer à chaque fois, ils aiment bien.

00:44:4700:45:02,415

Olivier Gadet Oui, oui. C’est pour ça que je dis que la plupart du temps on essaye d’arriver avec le produit déjà en partie fabriqué parce qu’après, pour eux, c’est aussi plus simple de le montrer au libraire et dire « voilà, c’est ça le produit ».

00:45:02,41500:46:05,980

Isabelle Jégo Et ça, c’est quelque chose qui se fait à quel moment, vous arrivez pour présenter une série de livres?

Olivier Gadet En général, il y en a plusieurs oui. Eux ont une ou plusieurs mises en vente par mois, mais ils ont beaucoup plus d’éditeurs. Moi je fais à peu près deux ou trois mises en vente par an avec à chaque fois deux, trois ou quatre livres. Je ne suis pas très ordonné ou très régulier. Je ne fais pas « voilà, je veux tant de titres par an ». On peut faire des moyennes sur deux ans, là c’est plus facile, on peut parler d’à peu près dix titres tous les deux ans ou quelque chose comme ça.

Philippe Millot Et puis après, dans l’échange, dans le travail, c’est assez simple aussi.

00:46:05,98000:46:47,370

Isabelle Jégo Est-ce que vous pouvez revenir sur ce métier, ce rôle du fabricant qui n’est pas si courant. Il y a beaucoup de graphistes qui ne travaillent pas spécialement avec un fabricant, qui travaillent entre un client et un imprimeur. Des imprimeurs qui sont plus ou moins capables de donner des conseils sur des procédés techniques de fabrication. C’est vrai que le fabricant n’est pas forcément présent.

00:46:47,37000:48:00,462

Philippe Millot Je trouve que c’est une excitation… Enfin, je vais parler de ce qui m’occupe personnellement… Je ne pense rien en image. C’est-à-dire, le fait même de fabriquer une image, de se dire ensuite « je vais la reproduire là, là, là ». Tout ça, ça ne me vient pas. Je ne pense jamais que contexte. Donc, si je fais ça (il manipule le double-Cosaques) je sais qu’on ne peut pas le plier, que ça, c’est la toile cirée dont je me souviens, que je sens l’agrafe quand je passe la main dessus, je sais que ça brille comme du vinyle, que je pense à un vinyle particulier et à une chanson particulière. Donc je pense que c’est tout ça en même temps.

00:48:00,46200:48:24,123

Ça veut dire que dans le fond, je mets le même soin à penser ça et à voir ça qu’à choisir mes lunettes. C’est pareil, je me dis « j’ai besoin qu’elle brille là », à chaque fois, on me propose des branches avec des rivets, mais je ne veux pas de rivets, ce n’est pas que je ne trouve pas ça beau, c’est juste que je n’en veux pas, c’est tout (rire d’Isabelle Jégo) bon, et bien c’est pareil en fait pour ça (en revenant au livre).

00:48:24,12300:49:12,293

Donc la fabrication… c’est pas que ça ne m’intéresse plus, le sujet continue de m’intéresser, tout peut de toute façon m’intéresser, mais… ça ne m’appartient pas, ça n’appartient pas à ma main, ça n’appartient pas à ma vie, ça n’appartient pas à tout ça s’il n’est pas comme il est là. Dedans là, on ne le voit peut-être pas bien mais vous avez des petits croisillons que l’on ne voit presque pas. C’est parce que l’objet, à la fin, il est comme une assiette en porcelaine, comme ces très belles lampes de Sottsass (il montre une lampe suspendue à son mur), avec un équilibre, une matérialité, c’est tout ça.

00:49:12,29300:49:41,051

Donc moi après, j’ai des exigences au sens où je peux demander à Olivier « je voudrais que ça ressemble à ça, que l’on aille vers ceci, comme cela, etc. ». Après il y a un vrai partage, Olivier regarde si ça se trouve…

00:49:41,05100:49:41,051

Olivier Gadet Si on peut le faire, à combien d’exemplaires, si on le fait à tant d’exemplaires, est-ce qu’on peut le proposer à un prix où les gens puissent l’acheter tout de même.

00:49:41,05100:50:45,001

Isabelle Jégo Et vous continuez à être fabricant pour d’autres?

Olivier Gadet Très peu, car les gens essayent maintenant de fabriquer au moins cher, le plus vite possible et du coup notre rôle à nous, qui était un rôle d’éditeur au sens de fabricant de quelque chose d’imprimé, ça a un petit peu disparu. Notamment tout ce qui se faisait avec le Ministère qui a permis une production importante pas mal développée. Et ça s’est arrêté assez brutalement. Donc je me recentre, me concentre sur ceci, au fond, ce n’est pas plus mal, car c’est ce que je voulais au départ.

00:50:45,00100:50:45,001

Isabelle Jégo C’est vrai que c’est ce rôle du fabricant qu’on retrouve chez de gros éditeurs, mais moins…

Olivier Gadet Ah oui, on retrouve ça chez Taschen par exemple…

00:50:45,00100:52:18,239

Sophie Millot Par exemple, qu’est-ce que ça fait quand tu fabriques et que ce n’est pas avec Olivier, c’est quoi la différence? Fabriquer avec Olivier des objets sur lesquels vous êtes assez d’accord et fabriquer avec des gens que tu ne connais pas.

Philippe Millot Pour expliquer comment ça peut fonctionner: bon, je ne l’ai pas là, mais pour le Centre Pompidou, ils m’ont demandé de faire un livre sur Beckett. Une exposition au Centre qui s’appelait « Beckett ».

Alors, je propose que ce soit Olivier qui le fasse, mais on me répond « non », pour des raisons d’appel d’offre ou autres. En tout cas, ce ne sera pas avec lui. Donc, en gros, je montre le livre que je veux faire et on me dit que ce ne sera pas possible. « On ne peut pas le faire, c’est techniquement impossible… ça non plus… ça c’est compliqué… ce papier-ci n’existe plus (rire d’Isabelle Jégo)… et puis… on n’a qu’à faire plus simple ». Alors je demande à Olivier. C’est-à-dire, à un moment où on n’avance plus…

00:52:18,23900:53:03,858

Sophie Millot En cachette.

Philippe Millot Non, non, j’ai demandé à Olivier en le leur disant « Ça, on n’arrive pas à le faire, mais moi je dis qu’on peut et je connais la personne qui peut le faire et pour un prix qui sera finalement moins cher que celui que… » Parce que la personne qui répond à l’appel d’offre répond souvent oui à tout « oui, on peut faire ça, oui, ça il n’y a pas de problème, le papier, il n’y a aucun problème, on le connaît par cœur » et au moment où on arrive en production, on ne peut plus rien faire et on n’a pas le papier… et on n’a plus de temps évidemment. Donc là, je me dis qu’Olivier peut le faire dans les temps, finalement moins cher. Parce que la personne pense maintenant qu’il y aurait bien une possibilité, mais comme c’est devenu plus compliqué et qu’il faut aller plus vite, ça revient plus cher.

00:53:03,85800:53:45,654

Ça c’est le procédé des appels d’offre transparents qui font qu’en réalité, peut-être que le prix qu’Olivier a affiché au début est un petit peu plus cher que ce qu’annonce le bonhomme, mais comme c’est une relation où l’on sait comment on fait entre nous, il n’y a pas de problème pour le faire, et ils sont sûrs de leur coup. Donc au bout d’un moment, je demande à Olivier si on peut regarder ça ensemble…

00:53:45,65400:54:20,403

Je n’aurais jamais pu faire le livre, dans ce cas-là par exemple, si Olivier n’avait pas fait une première maquette en disant « On peut faire ça. Ça, ça peut se faire comme ça, ça comme ça… », en fait, ils en ont tous bénéficié sans payer. Voilà, c’est pour dire que la relation avec le fabricant, elle est aussi de cette nature-là. Mais c’est la même que celle qu’ils peuvent entretenir avec moi. C’est-à-dire que je participe peu, même pas du tout, à des concours, parce que ce n’est pas une relation de travail qui m’intéresse.

00:54:20,40300:54:57,009

Le premier travail qu’on a effectué pour l’adpf, que je trouve mauvais, s’il n’y en avait eu qu’un, j’aurais pu me dire que ce n’était pas bien de travailler avec eux, et eux auraient pu se dire que ce n’était pas bien de travailler avec moi et j’aurais pu penser que ce n’était pas bien de travailler avec Olivier. Mais en fait, c’est devenu intéressant parce qu’on a travaillé dix ans ensemble et qu’on s’est trompé plein de fois. Qu’à un moment, ça n’était pas très bien, mais on n’allait pas s’en vouloir à mort alors que le coup d’avant c’était pas mal et que le coup d’après ça sera certainement très bien. Donc c’est aussi cette relation-là qui est importante.

00:54:57,00900:55:38,886

Dans mon rapport avec Olivier c’est évident que si on veut faire quelque chose et qu’à un moment Olivier me dit « Non, franchement on est coincé sur ce truc là », alors OK, on est coincé, c’est une sorte de confort de l’esprit, c’est-à-dire que je passe à autre chose, je cherche autre chose immédiatement, je décide de passer par un autre côté. Quand un fabricant de grande institution me dit « On ne peut pas le faire », je ne le crois jamais, mais alors strictement jamais, je réponds « OK, on ne peut pas le faire, mais on va le faire quand même » (rire d’Isabelle Jégo), et j’insiste, je représente le même projet dix fois, histoire que ça passe. Parce que je ne les crois pas. Eux, ils n’ont qu’une seule envie, c’est que tout se fasse comme d’habitude, ils ne veulent pas s’embêter, « on l’a déjà fait celui-là Philippe, allez, c’est bien ».

00:55:38,88600:56:05,146

Isabelle Jégo Et donc, quelles étaient les questions posées sur Beckett par exemple, c’était quoi ces choses impossibles à faire?

Philippe Millot Déjà, ce qui n’était pas possible… c’est pas possible de faire ça.

00:56:05,14600:57:58,965

Philippe Millot Ça c’est celui qui est sorti pour le Centre. J’avais dit: non, je ne veux pas ça! (il parle du logo du centre Pompidou) J’avais dit non mais comme ils ont insisté beaucoup j’ai dit «très bien, mais alors on le met en doré, et là.» Donc moi j’ai donné comme fichier: là, mais en doré. Si ça c’était tellement important alors c’était à mettre avant Beckett. Alors eux, ils n’ont pas fait ça ils ont repris le truc et ils l’ont mis en bas en discret. Je ne trouve ça pas discret du tout. Du coup ça ne m’intéresse pas le livre tel qu’il est là. Et puis on devait le faire avec des tranches noires. Car en fait c’était un livre sur Beckett, c’était surtout le fait que c’était une noirceur et quand on l’ouvrait il y avait la lumière. Je voulais donc que ce soit noir. Ils m’ont dit « oui on le fera noir, tout ce que tu veux ». Et puis au bout du compte, il y a rien du tout. Donc, après je me suis dit que c’était pas grave, j’ai réservé des blocs intérieurs et des couvertures dont j’ai fait enlever ça et j’ai fait faire une tranche en noir. C’est Olivier qui a fait ça comme je l’entendais. On a fait appel à Jacky, en Belgique, il est sympa Jacky.

Olivier Gadet « Être une heure seulement… »

Philippe Millot Oui, il y avait un côté Brel chez Jacky… Et Olivier a fait relier le livre et passer des tranches en noir pour qu’on ait quelques exemplaires du livre tel qu’on l’espérait.

00:57:58,96500:57:55,041

Isabelle Jégo Vous avez fait beaucoup des exemplaires comme celui-là?

Philippe Millot Vraiment très peu. Mais bon c’est pas grave.

Sophie Millot Surtout qu’ils sont tous reliés à la main.

00:57:55,04100:58:46,471

Philippe Millot Mais une des premières difficultés, éditoriale déjà, c’est celle-là, car il y a pas de page de faux-titre et donc on ne rentre pas par le fait que c’est une exposition du Centre Pompidou du tant au tant. Donc là, pour eux c’était déjà impossible. Ce qui est compliqué là, c’est que c’est un papier de 50g et c’est le premier cahier du livre et qui tient sur les gardes. Donc a priori il faut un papier plus résistant pour ça, un papier qui ne se déchire pas.

00:58:46,47100:59:11,128

Au début ils ont dit «Non, non, on ne peut pas le faire.» Olivier a répondu «Si, si, ça on peut le faire.» Alors ils ont dit «finalement on peut le faire, on va le faire.»

00:59:11,12801:01:07,294

Ce qu’ils ne pouvaient pas faire non plus après c’était ça, le fait que ce cahier-là était entièrement en papier cristal. Alors le papier cristal, c’est quand même assez drôle. Ils pouvaient le faire et puis non, ils ne pouvaient pas le faire donc encore une fois, on passe par la même opération, Olivier pouvait le faire. Et du coup ils ont dit, «Bon d’accord on va le faire.» Ils ont trouvé quelqu’un d’autre, donc on attend, on attend: «Vous allez le faire ou pas?» Alors ils disent «On a envoyé le papier qui va arriver chez un imprimeur à côté de Paris » alors que l’imprimeur général était à Bruxelles, et ça ne vient toujours pas. Je ne comprends pas et ils me disent qu’ils ont envoyé le papier, mais avec toute les chutes de neige, le camion s’est perdu. Et donc le papier est finalement arrivé. Alors Olivier leur dit qu’il y a quelque chose d’assez simple avec le papier, il faut le passer de telle façon. Ils ont dit «Non, non, on sait: c’est un papier très fragile, il faut le passer plutôt comme ça.» Ils n’ont jamais pu imprimer correctement le papier et donc ils ont dû recommencer avec la façon d’Olivier. Donc c’est sur il faut mieux travailler avec quelqu’un qui…

Olivier Gadet …que ça amuse… au moins.

01:01:07,29401:01:43,383

Philippe Millot Eux par exemple, il y avait un truc sur ce livre-là, c’est que c’est un livre avec une drôle de pagination, il y en a trois différentes. Et puis c’est un livre qui fonctionne en profondeur, donc c’est un livre qui est tronçonné par des cahiers de texte, et ce qui se passe c’est que sur la première page du cahier texte, il y a toujours, en vernis, la première page du cahier image qu’on vient de passer.

01:01:43,38301:02:35,962

C’est-à-dire que là c’est cette image qui serait remontée par transparence à ce niveau-là car il y a une pagination qui est celle de la suite des images. C’était surtout parce qu’on a un sommaire compliqué. Je me suis dit que ce n’est pas par le sommaire qu’on va naviguer dans le livre, c’est par la structure même du livre, donc ça ne pose aucun problème quand on lit le livre, le feuillette, tout devient simple. Si on suit le sommaire c’est impossible.

01:02:35,96201:03:43,774

Et là j’arrive sur place, et toutes ces images avaient disparu, ils avaient déjà imprimé deux ou trois cahiers, elles n’y étaient pas. Et je dis, là y a un problème, il faut qu’on refasse parce qu’il n’y a pas le vernis. Et ils me disent «Justement on ne comprenait pas du tout pourquoi il y avait ce vernis, donc on ne l’a pas mis.» Et bien on va le remettre alors. Donc ils passent deux trois trucs et disent «Non mais c’est très peu visible, donc non.» On a donc une discussion d’une heure et demie et ils ne veulent pas mettre le vernis sur les cahiers suivants. Ils voulaient faire des économies de temps et tout ça. Ils étaient très serrés niveau budget… On a finalement mit le vernis, car Jacky a insisté!

01:03:43,77401:03:56,479

Sophie Millot Il faut dire que ce livre-là, il intéressait Olivier parce que c’est Beckett.

Olivier Gadet Ç’aurait été Giraudoux…

01:03:56,47901:04:26,317

Philippe Millot C’est pour ça qu’il est signé à la fin: «Ce livre est dessiné par O’SP Millot», « O’ » c’est pour Olivier et comme Beckett est Irlandais ça nous permettait d’être Irlandais aussi. C’est dommage qu’on n’ait pas réussi à le faire comme on le voulait, la bonne version c’est la nôtre.

01:04:26,31701:05:52,180

Voix féminine Du coup c’est quelqu’un d’autre qui l’a fabriqué?

Olivier Gadet Oui, oui, j’ai simplement suivi comme ça, par étape. C’est vrai que la plupart du temps il y a deux types de réponses qui sont à la fois identiques et contraires: «oui, on le fait, pas de problème» et «non, on ne peut pas le faire». Mais à chaque fois la réponse est entre les deux, «oui, on peut le faire mais il faudra faire attention à ça.» Il n’y a pratiquement plus de gens qui supervisent un dossier, ou qui étudient la façon dont on peut coordonner différentes techniques. Ça part en production et après on se débrouille, mais bon c’est des choses qui vont trop vite et que parfois il faut recommencer. Le client va souvent vers quelque chose qui coûte a priori le moins cher et va être le plus facile, ça n’a pas beaucoup d’intérêt. C’est pour ça qu’on se venge sur nos propres livres.

01:05:52,18001:06:59,360

Philippe Millot Quand on nous demande de faire des livres, j’essaye à chaque fois qu’on le fasse ensemble parce que c’est plus simple, c’est plus amusant. La difficulté c’est qu’on a du mal à trouver des gens que leur propre travail amuse. Et ça c’est difficile parce que du coup sur certains livres on a l’impression que nous sommes les seuls à vouloir les faire. Et que s’ils avaient pu ne pas les faire ça aurait été aussi bien.

Olivier Gadet Y compris chez les imprimeurs eux-mêmes. Les conducteurs sont responsables du nombre de tours que fait leur machine. Si le temps de calage est trop long ils sont tenus responsables.

01:06:59,36001:08:15,081

Isabelle Jégo Sur les éditions Cosaques, quel genre d’échange vous avez entre vous (Philippe et Olivier)? Tu cherches quelque chose de souple, de froid, un papier…?

Philippe Millot Soit je sais exactement le nom du papier et je le dis. Mais peut-être qu’il n’existe plus. Donc après j’en cherche un autre, c’est un peu ça, ça dépend des situations. Olivier me propose des trucs, il me dit «J’ai vu ça qui pourrait faire penser à ça. J’en ai un là par exemple». Une maquette qu’a réalisée Olivier, il sait qu’un jour, il y aura un livre qui sortira comme ça.

01:08:15,08101:10:20

Olivier Gadet Je savais que je m’étais trompé, mais parfois c’est bien de se tromper.

Philippe Millot C’est beaucoup sur le non-dit, on se raconte peu de choses, on discute peu des livres qu’on fait. On les fait. Donc ce n’est pas comme si à chaque fois c’était parfaitement cerné, c’est plutôt… Voilà, un truc comme ça, on se promène. Je vais à l’Action Christine qui est un cinéma parisien, et ils éditent toujours des billets comme avant, anciens avec des hachures, et puis, ce ticket était sur mon bureau et Olivier vient pour un truc. Je lui donne ça et je lui dis: «Le prochain livre et bien c’est ça!» «C’est ça quoi?» On ne se le dit pas, on ne va pas s’expliquer «Ça comme ci, ça comme ça!» C’est tout, c’est compris. Donc Olivier fait quelque chose et j’en refais une autre et à la fin, voilà, l’objet est un peu comme ça.

01:10:2001:10:35,680

Sophie Millot Il faut dire quand même que dans tout ça, il y a toujours un rapport au texte. Quand même! Que vous partagez ça aussi!

Philippe Millot Oui oui oui.

01:10:35,68001:10:35,680

Sophie Millot Et que le texte conditionne la fabrication et que ce n’est pas fabriqué comme ça.

Philippe Millot Oui, c’est toujours le cas quels que soient les objets qui sont ici on dit « objet » bon en fait à chaque fois bien évidemment c’est parce qu’il y a un texte. D’abord…

01:10:35,68001:11:27,788

Sophie Millot Et que vous le comprenez et que vous avez une compréhension du texte qui est quand même un peu partagée au fond. C’est ce qui facilite les choses dans la mise en forme après… Et c’est aussi qu’avec Olivier vous arrivez à mettre ça en relation de façon assez fluide finalement et à partager… c’est pour ça que c’est comme ça à la fin… Je pense que vous ne pourriez pas travailler sur des textes pour lesquels vous ne partagez rien.

01:11:27,78801:11:52,205

Philippe Millot Non, les quelques fois où c’est arrivé, donc pas avec Olivier, je le faisais parce que j’ai toujours l’espoir que même si le texte n’est pas intéressant, la façon qu’on a de le raconter ne fera pas que le texte sera plus intéressant, mais que ce sera tellement juste par rapport au texte qu’on se dira même que le texte n’était pas intéressant volontairement… (rire d’Isabelle Jégo)

01:11:52,20501:12:07,862

C’est un peu biaisé mais dans le fond il peut y avoir ça. Sauf qu’à chaque fois que cette chose-là est arrivée ça ne s’est généralement pas très bien terminé. Et qu’on n’y arrivait pas.

01:12:07,86201:12:40,174

Sophie Millot À l’intérieur même par exemple de la collection blanche de l’adpf il y a quand même quelques livres sur des auteurs qui t’intéressent peu. Comme celui sur Kristeva qui est beaucoup moins bien que les autres. Alors qu’il est quand même dans la collection avec le même caractère, avec la maquette, la couverture… Tout est pareil et pourtant le livre est beaucoup moins bien. Tu ne peux pas dire autre chose…

Philippe Millot Ah oui le livre est nettement moins bien et ça se sent: il n’y a pas d’esprit dedans.

Sophie Millot Il n’est pas bien! Les photos sont pas belles… je ne sais pas moi (rire)

01:12:40,17401:14:13,791

Olivier Gadet Et ce qui est amusant aussi c’est qu’il y a une certaine unité, une certaine variété je trouve. Parce qu’en deux, trois mois avoir fait La Ville, être en train de faire un Tchekhov et puis être en train de faire en même temps Les Souris valseuses qui est un polar des années 60 qu’on a édité qui est d’un auteur qui utilise un pseudonyme Ange Bastiani et puis avant avoir fait Blondin… tout ça fait qu’il y a une sorte d’acoustique commune qui se dégage de tout ça mais qu’en même temps à chaque fois ce sont vraiment des objets, des livres, des contenus différents et sur lesquels, jusqu’à présent en tout cas, on n’a pas eu de désaccord. C’est-à-dire que c’est moi qui propose les textes ou le contenu, puisque là il s’agit plus d’images que de texte, et puis ensuite je laisse travailler Philippe ou je l’embête pour qu’il travaille et puis après il y a une sorte de ping-pong, de jeu aussi qui s’établit jusqu’à ce que le livre soit publié.

Philippe Millot Il y a un exemple là. On pourrait regarder Bécon-les-Bruyères!

Olivier Gadet Oui, oui, on peut regarder. Mais tu veux dire le film?

Philippe Millot Oui!

Sophie Millot Ah le film?

Olivier Gadet Le film?

Philippe Millot Oui. Alors après.

01:14:13,79101:14:24,488

Isabelle Jégo Ça fait une 1h30 qu’on parle de livres c’est vrai qu’on a pas du tout parlé jusqu’à maintenant (rire) des textes.

01:14:24,48801:14:31,621

Philippe Millot Enfin c’est-à-dire que l’inverse m’apparaît tellement incongru. Je me souviens un jour d’une dame qui était venue faire une sorte d’interview et puis ça s’était soldé par un article sur un « graphiste qui pense ». Enfin quand même c’est juste désastreux.

01:14:31,62101:14:31,621

Isabelle Jégo Un graphiste qui lit les textes…

Philippe Millot Oui c’était ça, « tiens, il lit tous les textes qu’on lui donne ».

Isabelle Jégo (rire)

01:14:31,62101:16:38,814

Philippe Millot Ça a l’air d’être une plaisanterie. À l’époque j’étais tout petit, je sortais de l’école ça me paraissait tout à fait normal mais en fait ce n’est pas vrai ce n’est pas normal, ce n’est pas normal du tout.

Olivier Gadet Même un éditeur qui lit, je vous rassure…

Philippe Millot Même un éditeur qui lit ce n’est pas si courant. Le fait que tous les textes soient lus et que ce soit le principal intérêt et que ce soit la principale source du travail, ce n’est pas fréquent du tout. Si c’était le cas on n’aurait pas les livres dont on dispose aujourd’hui dans les librairies. Et quand il y a du texte… Parce que parfois ce qui est difficile c’est qu’il n’y a que du texte. Alors pour les graphistes en général parfois quand il n’y a que du texte, c’est parfois dur. Mais même quand c’est des livres d’images, je ne sais pas quel rapport aux images et quel est le rapport véritable aux images. Enfin c’est vrai qu’on a parlé de fabrication parce qu’on était dans ce rôle-là mais il y a parfois sur certains livres, sur beaucoup de livres qui sortent aujourd’hui une débauche de fabrication parce qu’il n’y a rien d’autre ni au niveau des images, ni au niveau du texte. Enfin moi je ne vais quasiment jamais dans les librairies ou très peu parce que ça m’écœure. Enfin je vais là-dedans et au bout de 10 minutes je sors et je dis ce n’est de toute façon plus ce métier que je ferai. Je fais déjà, depuis des années je crois, un autre métier mais à chaque fois je me dis « je ne peux pas, je ne peux pas ». Je n’en peux plus de voir ces machins… On voit bien que le rapport au texte est nul, plutôt nul.

01:16:38,81401:17:08,179

Isabelle Jégo Il y a quelques livres que vous avez édités aux éditions Cent pages qui sont édités par ailleurs dans d’autres éditions. Je pense par exemple aux Dimanches de Jean Dézert que j’ai lu d’abord chez…

Olivier Gadet Comme un folio…

Isabelle Jégo Non, une couverture rouge.

Olivier Gadet Des Cahiers Rouges alors.

01:17:08,17901:17:45,708

Isabelle Jégo Et… que j’ai lu ensuite aux éditions Cent pages, mis en page par Philippe et c’est une expérience de lecture qui est assez intéressante parce que ça n’a rien à voir. Ce n’est plus la même appréhension du texte, c’est terrible de se rendre compte de ça. Enfin de se rendre compte qu’effectivement la mauvaise forme de livre qu’on lit souvent… joue sur la perception qu’on a de ces textes là.

01:17:45,70801:18:08,095

Philippe Millot Je dis enfin assez régulièrement «Le livre est dessiné par» (mais peut-être que je changerai parce que je suis en train de me demander…) enfin je dis « je dessine ma lecture ». Ce n’est pas tellement que je dessine le livre au sens matériel mais je le dessine aussi au sens de lecture. Je dessine ma lecture.

01:18:08,09501:18:40,032

Sophie Millot Je trouve que c’est un peu la même expérience que quand je lis deux traductions différentes d’un même texte par exemple. Ça me fait le même effet que de lire deux textes mis en forme de deux façons différentes. Une fois ça s’entend, une fois c’est visuel mais finalement on en vient quasiment au même type d’expérience. D’ailleurs c’est toujours intéressant de lire deux traductions différentes d’un même texte de la même façon c’est assez excitant l’écart qu’il peut y avoir… c’est pareil.

01:18:40,03201:19:26,595

Isabelle Jégo Oui, oui, je suis d’accord. Pour Jean Dézert dès qu’on a l’objet en main c’est différent. Il y a un jeu très proche du texte dans l’édition Cent pages.

01:19:26,59501:19:57,251

Stéphanie Vilayphiou Je me demandais justement, quand il y une réédition par exemple pour le Cosaque qui avait déjà été édité une fois avant, est-ce que tu l’as lu dans le format livre ou est-ce que tu as lu un format .doc qu’on reçoit en général…

Philippe Millot La première fois?

Stéphanie Vilayphiou Oui.

Philippe Millot Non, je ne le lis que dans la forme que je donne.

01:19:57,25101:20:17,126

Stéphanie Vilayphiou Mais du coup tu le mets une première fois en page?

Philippe Millot Ah oui. Parce qu’il y a plusieurs temps dans… Juste je vais répondre à ça mais par rapport à Jean Dézert… Olivier a la première édition…

Olivier Gadet 1914.

01:20:17,12601:22:08,620

Philippe Millot Et alors c’est un livre… il n’y a pas d’éditeur parce qu’il l’a édité à compte d’auteur et donc c’est un livre tout blanc sans aucune… Mais il en fait une description où il dit qu’il est très content de l’avoir fait avec un papier comme il l’a souhaité, avec un alphabet comme il l’a souhaité et tout ça, donc une vraie attention à la forme. Mais c’est une forme très, comme Jean Dézert, très transparente quoi, et qui est très très belle. Vraiment très très belle. Il y a des choses d’ailleurs du livre lui-même qui reviennent, pas forcément dans Jean Dézert mais dans d’autres livres et donc il n’y a pas qu’une seule forme possible. C’est-à-dire que quand je dis « je donne ma lecture », je choisis de donner ma lecture comme cela. Mais je pourrais très bien définir une autre façon, on peut la lire autrement aussi, dans certain cas… pas toujours… Je pourrais très bien avoir envie de faire un Jean Dézert blanc aussi. Or il s’avère qu’il s’intègre dans une collection et que même soi, on a tendance à faire des variations, on essaye de voir comment on travaille dans ce thème-là. Bon… quand je prends le Blondin, il fait partie de la même collection que les autres mais ça y est, c’est-à-dire qu’on a pris une distance sur celui-là. On s’est dit «On va se permettre ça.»

01:22:08,62001:22:10,652

Isabelle Jégo Sur celui-là en particulier?

Philippe Millot Sur celui-là!

01:22:10,65201:24:00,000

Luc C’est le Rouge-gorge qui n’est pas rouge?

Philippe Millot Celui-là n’est pas rouge non plus, le Roberto Arlt, mais le fil est rouge, le fil de reliure. Bon et celui-là, il s’emballe aussi là-dedans (il montre un papier de soie blanc à pois orange). Normalement il est comme ça quand il est en librairie… (il enveloppe le livre dans le papier de soie) Il est assez différent, il faut dire. Mais peut-être qu’il engage d’autres livres de cette nature-là, dans cette collection-là, on ne sait pas. Enfin moi je n’en sais rien. Mais c’est aussi une distance qu’on peut prendre, alors que peut-être aujourd’hui, par exemple si on n’avait pas encore fait le Jean Dézert et que j’avais fait celui-là avant, peut-être que le Jean Dézert serait très blanc. Peut-être. Mais au fond je donne ma lecture par rapport aux autres. C’est à la fois la lecture du livre même, du texte de Jean de la Ville puis à la fois c’est…

Enfin on fait toujours deux livres en même temps. On fait le livre de ce texte-là et donc c’est en ça que le texte est très important bien sûr et vous faites toujours un deuxième livre en même temps qui est le livre de tous les livres. LE livre, votre livre. Quoiqu’il arrive toujours votre livre. Et depuis que j’ai commencé moi je fais toujours le même livre, je n’ai pas arrêté. Avec Olivier je pense, c’est une chose qu’on partage donc ça va mais c’est difficile de dire «Non, non, ne vous inquiétez pas, en fait le livre je l’ai déjà fait mille fois, 200 fois, je ne sais pas combien, et c’est toujours le même que je fais et je le cherche tout le temps et je suis toujours autour des mêmes choses, et je n’arrête pas de creuser au même endroit les petites choses qui m’intéressent et qui me paraissent être LE livre. Mais en même temps il est toujours contextuel. Le contexte c’est le texte, le fait qu’il s’insère ou non à l’intérieur d’une première histoire dans une plus grande histoire et là, la première histoire c’est le fait qu’il appartient à cette collection qui est avec un caractère blanc sur un fond plus ou moins noir.

01:24:00,00001:22:10,652

Philippe Millot Bon c’est là-dedans. Alors il a aussi, il doit participer de cette histoire-là, en même temps que d’être en propre. Donc, ça répond en partie aux livres Cosaques, c’est-à-dire, la première chose quand Olivier m’envoie un texte, je ne le lis jamais sur le document Word qui m’est donné, je le mets en forme une première fois, sans lire. Je mets en forme uniquement parce que le texte a lui-même, en dehors de son contenu, sa propre forme. Un texte a toujours sa propre forme. Il faut la chercher. Et il est là, il est là, il est là avant vous, il faut trouver. C’est pas évident, en fait c’est une chose les plus compliquées c’est-à-dire que quand on est au tout début, moi quand j’étais à l’école, je suis sorti, on m’avait appris certaine choses, que par exemple, l’Univers était un très bon caractère, que le Sabon était un très bon caractère, que l’Helvetica c’était déjà moins bien, que les caractères de chez ITC fallait pas y toucher, que… enfin, des tas de choses. Et c’est bien. C’est bien d’apprendre ce type de choses, c’est très très bien. Parce que ça permet de savoir où en sont les autres, parce qu’ils parlent de là où ils sont, c’est intéressant, mais en même temps là où ils sont c’est pas vous. Et c’est pour ça d’ailleurs qu’à l’école il faut copier. Il faut énormément copier quand on est à l’école, il faut vraiment être dans une académie, copier autant qu’on peut le travail des autres, ça évite de copier après. Mais pourquoi ça évite de copier après? Parce qu’une fois qu’on a copié le travail de quelqu’un, on sait que c’est pas le sien, on le sait, c’est-à-dire que la main, l’esprit, tout le sait; on l’a fait et on se dit « mais ça c’est pas mon boulot, en fait je l’aime pas, je le sens pas, je le vois pas, je l’entends pas. » Et donc, on copie, on copie, on amasse, comme ça, mais comme quand on est petit, par mimétisme on apprend à marcher, on apprend à parler, on apprend à écrire, on copie, on recopie ce que d’autres ont déjà fait avant nous et de la même façon parfois et puis après on développe une expression en propre, quel que soit le type d’expression.

Et donc le texte, il a sa propre forme. Vous avez beaucoup de retours paragraphe? Ou vous avez peu de retours paragraphe? C’est une forme extrêmement contraignante, certains des livres qui sont ici, je vais parfois contre la nature du texte, alors c’est vrai qu’aujourd’hui parfois je fais ça, je vais contre la nature du texte. Le texte a sa nature, il a son rythme et je m’attache à aller contre, pour trouver une autre forme, qui est une forme plus conventionnelle, qui est la forme du roman, dans un livre de poche, qui a aussi, sa propre forme. Donc c’est ces choses là, c’est-à-dire, à la fois comment je le lis, comment le livre existe, c’est-à-dire quelle est la convention formelle de ce type d’objet.

01:22:10,65201:27:18,262

Isabelle Jégo Là par exemple, tu as supprimé les retours paragraphes, les sauts de lignes, les retours à la ligne.

Philippe Millot Là j’ai tout supprimé, exactement, tout supprimé. Enfin non c’est pas vrai, je ne les ai pas supprimés parce que je les ai dits.

Isabelle Jégo Ils sont notés.

01:27:18,26201:28:35,457

Philippe Millot Et puis après il y a donc la propre nature du texte. Et ça il faut quand même… c’est le travail le plus… Moi c’est le premier travail que je fais. C’est-à-dire que je le glisse, à l’intérieur d’un format donné puisqu’il a une nature dans un format donné, et donc je le pose, et après j’essaye de le… ce serait comme avoir de la terre glaise. Je le ramène, puis j’essaye de voir s’il a le poids qu’il faut, est ce qu’il sonne comme il est? Est-ce qu’il a la netteté qu’il faut sur la page? Est-ce-que que je veux qu’il soit net déjà? Je ne sais pas, est-ce qu’il demande à être net, est-ce qu’il ne demande pas à être net? Est-ce qu’il demande à être coloré? Pas très coloré? Il le dit, ça. Il le dit. Et donc, voilà. Donc vous le laissez remonter pour qu’il apparaisse comme, et puis après vous voyez jusqu’à quel point, vous le voulez, vous, enfin comment vous le lisez. Mais ce travail-là, c’est un travail assez long, de le faire venir simplement. Je ne sais pas combien de fois, combien de versions, parfois… Ça fait rire Olivier de temps à autres parce que j’envoie une version, j’en envoie une autre…

01:28:35,45701:29:18,959

Oliver Gadet Onze. (rire)

Philippe Millot Il n’y a pas eu onze corrections, enfin épreuves de corrections. Olivier ne m’a pas dit dix fois « ah oui, là je trouve que… » ou je ne sais pas quoi. C’est moi, il m’a fallu onze versions pour que, progressivement, alors qu’on ne me demande rien… Et il monte, comme ça. Et le lire en Word, par exemple, je ne peux pas, il n’existe pas pour moi à ce moment-là, il n’y a pas de texte.

01:29:18,95901:29:15

01:29:1501:30:10,244

Fabien Goutelle Je ne sais pas si ça s’est déjà fait, mais par exemple des écrivains contemporains qui vont écrire ce qu’ils vont vous donner à mettre en forme directement, avec ces outils-là, Word, etc. Comment vous prendriez la demande?

Sophie Millot Il y a L’Albatros?

Philippe Millot Oui, il y a L’Albatros.

Isabelle Jégo De Rolin?

Philippe Millot Oui L’Albatros de Rolin, il est où?

Fabien Goutelle Est-ce que ça change quelque chose du coup ou pas?

Olivier Gadet Le fait que l’écrivain soit en vie et puisse dire quelque chose sur la façon dont on l’édite, c’est ça la question?

Isabelle Jégo Ou qu’il propose déjà une mise en forme.

01:30:10,24401:33:44

Olivier Gadet Ah non, là en l’occurrence, non. C’est un texte comme avant, les écrivains coupaient, dactylographiaient à la machine et donc les logiciels que j’utilise sont des logiciels de traitement de texte de base, on en revient à ce que disait Philippe à l’instant.

Philippe Millot Là en l’occurrence, bon malgré tout, c’est quand même intéressant sur celui-là.

Olivier Gadet Alors c’est intéressant, parce que oui, l’auteur on le connaît, il est en vie, il a d’autres livres, qui sont édités ailleurs, par d’autres gens, etc. Et donc quand on lui a montré au début ce qu’on voulait faire avec son texte qui à l’origine d’ailleurs n’était pas un texte destiné à l’édition, il ne pensait pas que ça ferait un livre, c’est un texte qu’il avait écrit après une commande pour une revue qui s’appelle… XXI?

Philippe Millot XXI, oui. Vous voyez cette revue? Non?

Olivier Gadet Et en fait le texte a été refusé par la revue, et donc il lui est resté un petit peu sur les bras, c’est pas un texte très long, une cinquantaine de feuillets à peu près et donc, la première fois que je lui ai parlé de l’idée de faire un livre de ce texte qu’il ne pensait pas être un livre mais simplement un article, il m’a dit « Non, moi quand je fais un livre, je fais un livre ». Alors j’ai dit d’accord, non.

« Moi quand je fais un livre, je fais un livre », alors j’ai pris le texte que j’avais à ma disposition j’ai dit « On va faire le livre, on va l’imprimer à peu d’exemplaires et on va retourner le lui montrer ». Alors on a fait le livre, on l’a imprimé à je ne sais plus combien, vingt ou vingt-cinq exemplaires, et puis au bout d’un certain temps par des circuits comme ça plus ou moins parallèles, j’ai réussi à lui faire passer ce livre-là et il a dit « Mais qu’est-ce que c’est que ça? ». Je lui ai dit « C’est un livre avec le texte ». On tournait un peu en rond, et puis « Ah oui, mais oui c’est bien, c’est marrant, c’est marrant que vous ayez fait ça. » « Oui c’est marrant. »

Et puis ça a duré encore comme ça quelques mois avant qu’il ne se décide vraiment, et puis là il a dit «D’accord » donc on a pu passer de vingt exemplaires qui étaient hors commerce à un tirage normal, de je ne sais plus combien, trois mille exemplaires pour qu’il soit disponible en librairie. Et là on a expliqué ce qu’on avait déjà fait, puisque lui-même a demandé un petit peu la façon dont ça se déroulait. Et on a eu un échange avec lui ou au départ effectivement il disait: « Tiens, ça, ça m’étonne, tiens, ça c’est curieux, on pourrait peut-être faire autrement ». Alors dans ces cas-là, on a à peu près la même technique qui consiste à dire « oui, on peut faire autrement, mais on le fera pas ». (Rires)

Philippe Millot Ou « Oui on va le faire » « oui oui oui c’est pas mal oui… » « vous avez raison oui, là il y a un truc ».

Olivier Gadet Et en fait à partir du moment où on montre que ce que l’on a fait on l’a fait en pensant à quelque chose avec une certaine intention, même si cette intention n’est pas partagée forcément par l’auteur ou par d’autres personnes, à partir du moment où cette intention, on manifeste que l’on y tient et que ce n’est pas par hasard et qu’on n’a pas fait ça parce qu’on ne savait pas quoi faire, finalement ça se passe assez bien. Enfin en l’occurrence, là ça c’est passé quand même assez bien.

Philippe Millot Très bien.

Olivier Gadet C’est-à-dire que tout ce qu’il nous avait demandé de faire, on ne l’a pas fait effectivement, et puis il a trouvé que c’était très bien qu’on ne le fasse pas.

01:33:4401:38:00,000

Isabelle Jégo C’est-à-dire que le livre, celui qui est là, est exactement le même que celui que vous lui avez montré la première fois? Y compris les images?

Philippe Millot Ah oui parce que justement c’est une question. Au tout début du livre, vous avez – parce que l’Albatros c’est un bateau, c’est un bateau des forces françaises en terre australe. Olivier, vous avez le petit Pégase, le petit signet?

Olivier Gadet Ah non, je l’avais dans le carton.

? Oui, on l’a vu.

Philippe Millot En fait il y a ça et puis à la fin, il y a un autre bateau qui s’appelle le Pégase. Et Rolin il a vu les images et il a dit « Non, le bateau de la fin j’en veux pas, c’est pas l’Albatros » alors que quand on voit la photo, faut le savoir que c’est… Lui, il le sait, il a passé je ne sais pas combien de temps sur le bateau parce qu’il a fait la traversée et qu’il a vécu sur le bateau avec les marins… et donc il a dit « Non je veux pas ça ». Alors je lui dit « C’est dommage parce que c’est pour ça que j’ai mis ça comme achevé d’imprimé ». Dans l’achevé d’imprimé j’ai mis tout un truc sur Pégase, qui sort des flots, et donc je lui explique que c’est pour ça que j’ai mis un Pégase à la fin et je lui explique que le Pégase en question, c’est aussi un bateau de la marine des terres australes, ce qu’il ne savait pas. Il dit «Ah tiens… oui c’est bien… tiens… »

Et puis je lui ai relu l’achevé d’imprimé, je lui explique aussi que l’image qui est en face, qui est une constellation, qui est la constellation de Pégase, devrait nous permettre de façon numérique d’arriver sur un site qui permettrait de montrer tout un ensemble d’images de voyages qu’il avait prises et qu’il voulait que l’on mette dans son livre, donc des photos de marins, des photos de la mer, des photos d’oiseaux, des photos pas toujours très intéressantes. Mais qui, dans une somme importante, pourraient devenir intéressantes, mais en tout cas pas dans ce livre-là, alors que lui au début, pour lui c’était ça, c’était « si on mettait une photo d’un oiseau, et si on mettait une photo de… » Et donc en lui expliquant un peu le cheminement puis en lui montrant le petit déplié, l’ensemble lui est apparu comme racontant d’autres choses sur son histoire et en se disant « oui ça m’intéresserait même de faire un livre à partir de ça, à partir de ce qu’on est en train de se dire, et peut-être qu’on pourrait faire un livre qui soit entre cette forme-là et une forme écran, et comment on pourrait peut-être essayer de faire un livre comme ça. »

Bon, donc tout à coup, il a vu que ce n’était pas une simple interprétation de son texte, mais une lecture que moi j’avais de ce texte et qu’on l’avait mise en plus. J’ai expliqué ce que c’était cette espèce d’écume qu’on voit qui n’est pas de l’écume, mais qui est la mer sur la lune. C’est une mer lunaire, et c’est là que Pégase s’échappe, il a quitté les flots marins de la terre, pour trouver une mer stellaire.

Donc il s’est dit « tiens, c’est marrant il se raconte plein d’histoires ce bonhomme, plutôt drôle la façon dont il le fait ». Et même il en est venu, voyant que parfois, alors je sais pas toujours pour quelles raisons, mais je crois qu’à chaque fois ça c’est plutôt bien arrangé, il a même modifié quelques mots du texte, qui ont toujours aidé la composition.

Isabelle Jégo Et sur cette façon d’utiliser l’image dans ces livres de textes, est-ce qu’il y a une espèce de ligne de conduite, ou est-ce que c’est à chaque fois réinterrogé? Je repense encore à Jean Dézert avec ces images de chaises de Rietveld.

01:38:00,00001:39:54

Olivier Gadet La Zigzag.

Isabelle Jégo Quel est le rôle de ces images?

Olivier Gadet En fait dans Jean Dézert je crois me souvenir qu’on a une préface, le titre de la préface c’est «Jean Dézert avec un Z ».

Olivier Gadet Eh bien c’est comme ça que ça fonctionne.

Marie Hume Ouaaaa…

Isabelle Jégo (rires)

Philippe Millot (en ramenant la chaise Zigzag) C’est parce que… Voilà! Si elle est dans le livre, c’est parce qu’elle est là. Et que, le rapport…

Olivier Gadet (rires) Elle est pas convaincue (en parlant de Marie). Mademoiselle n’est pas convaincue! Alors allez-y.

Marie Hume Si si!

Olivier Gadet Si elle est dans le livre c’est parce qu’elle est là. Moi j’ai envie de dire que si elle est dans le livre c’est aussi parce qu’on avait une préface et un texte d’introduction dont le titre était, «Jean Dézert avec un Z ». Et qu’après on a fait une zaquette du coup.

Lucas Meyer Ah oui j’avais vu…

Isabelle Jégo (rires)

Philippe Millot C’est la chaise Zigzag. Bon donc je ne sais pas, peut-être que la réponse n’est pas convaincante mais… (grand silence et rires) Bon on va dire que c’est celle-là!

Isabelle Jégo Bon après je ne les ai pas tous lu. La question est est-ce qu’il y a une espèce de ligne de conduite, quelque chose d’un peu systématique dans votre façon de…

01:39:5401:52:00

Philippe Millot Vous savez ce que c’est ça? (il montre la quatrième de couverture de O.K. Voltaire d’Antoine Blondin)

Isabelle Jégo C’est un…

Alice Durquet Fauteuil, c’est un fauteuil!

Philippe Millot Ben, il est là.

Olivier Gadet Non, il n’est pas là.

Sophie Millot Il est chez Olivier celui-là (rires).

Olivier Gadet C’est très varié nos sources.

Philippe Millot C’est un fauteuil Voltaire! O.K. Voltaire. (il montre la couverture de l’ouvrage). Donc tout ça est très littéral.

Olivier Gadet Oui.

Philippe Millot Ça va pas chercher bien loin.

Isabelle Jégo (rires)

Philippe Millot Non mais… Là par exemple il y a une vraie réponse… Il y a une réponse… de ça à celle qui figurait dans Jean Dézert.

Sophie Millot Sur le Frisch par exemple ça s’explique davantage les images.

Philippe Millot Oui…

Isabelle Jégo Et il n’y a pas que les images sur la couverture, il y a aussi les images à l’intérieur…

Philippe Millot Bon… là par exemple… (toujours O.K. Voltaire) Il n’est pas ouvert mais bon… il y a à l’origine au début du livre, un badge, un badge presse…

Olivier Gadet Un écusson.

Philippe Millot Un écusson, qui était mis dans les voitures, qui est celui de Blondin quand il suivait le Tour de France. C’est aussi pour ça, qu’on a ici le maillot à pois du meilleur grimpeur. (il montre le papier blanc à pois rouges qui servait à emballer l’ouvrage).

Olivier Gadet Et le vélo.

Philippe Millot Et, c’est pour ça qu’on a ici, cette chose qui n’est rien, c’est-à-dire qui est ce dont on ne s’occupe pas, c’est-à-dire le paratexte, qui est juste les crédits.

Olivier Gadet Copyright oui…

Philippe Millot Copyright tout ça bon. Donc le livre est donné avec ça. Dans ce sens-là normalement. Ce qui fait que ça fait deux trucs qu’on ne comprend pas qui n’ont pas de signification. Mais, si, ça tombe comme ça… (il fait une démonstration sur la page de garde de l’ouvrage, en y faisant glisser une feuille de calque imprimée également présente dans l’ouvrage).

Isabelle Jégo (rires)

Olivier Gadet Je l’avais dit tout à l’heure (ton moqueur).

Philippe Millot Et que…

Isabelle Jégo Par hasard on le remet… (ton moqueur).

Philippe Millot Par hasard on le remet, (il fait se superposer les formes sur la feuille de calque avec celles sur la page de garde, formant ainsi le dessin d’une bicyclette) on a un vélo. Qui est évidemment l’activité préférée de… Bon il le suivait en voiture, mais… de Blondin, bon.

Sophie Millot Les gens qui font du vélo le voient tout de suite.

Philippe Millot Voilà. Ceux qui font du vélo, avant même de le repositionner correctement, ils voient le cadre à l’intérieur et ils se disent: «Oh mais c’est un vélo ça!»

Isabelle Jégo (rires)

Philippe Millot Donc, c’est intéressant parce que, le cycliste, c’est ça qu’il voit! Là, pourquoi il y a ça? Parce que c’est Blondin, c’est tout. Ça permet de dire aussi, qui a fait quoi. C’est l’équipe, l’équipe de Cent pages qui fait tout ça. C’est une image qui à la fois parle pour Cent pages, parle de Cent pages, parle de Blondin… Et pour le coup, certaines images c’est vraiment… c’est en vase clos…

Philippe Millot Le fait même que ça parle à d’autres personnes, tant mieux, tant pis, mais c’est un truc qu’on s’échange entre nous.

Philippe Millot …sur le Bastiani… Bon on peut les sortir…

Olivier Gadet Oui?

Philippe Millot (il nous montre une maquette des Souris Valseuses d’Ange Bastiani) Bien sûr ça, à l’origine ce n’était pas ça. Ce n’est pas cette image-là que j’avais posée. J’avais, je ne sais plus ce que j’avais mis…

Olivier Gadet Il y avait les cartes…

Philippe Millot Ah oui! Les cartes postales. Une photographie qu’Olivier m’envoie. J’ai dit « Ah oui c’est pas mal ça »

Olivier Gadet Celle-ci oui.

Philippe Millot (il montre une image) Ça. Bon alors c’est pas tout à fait les Souris Valseuses mais c’est… deux types à un bar et puis… des dames, assises dans des fauteuils. Au début j’avais posé tout ça et j’aimais bien. Mais en même temps il y avait toujours quelque chose qui me gênait, c’est-à-dire que je savais qu’on allait reproduire ça en noir et blanc, mais là y a une chromie qui va bien et qui dit une époque, qui dit quelque chose. Et là on l’aurait perdu. Et puis, je ne sais pas trop comment mais une fois Olivier vient, et puis il dit «J’ai trouvé ça et j’ai trouvé ça». Alors c’était autant parce que c’était drôlement fabriqué.

Olivier Gadet Il y avait des pois.

Philippe Millot Des petits pois oui, parce qu’on était en train de faire ça (parlant du papier de soie à pois oranges)

Olivier Gadet C’est une histoire de pois.

Philippe Millot C’est un peu marabout-d’ficelle vous savez, et puis après on ne sait plus où ça a commencé… Mais donc il y avait des petits pois et il me dit « Ah et j’ai trouvé ça aussi, c’est une façon de faire des petits pois », et en même temps on regarde et je me dis: «Ah mais oui, pour Bastiani c’est vachement bien ça!» C’est des bas, c’est une pochette de bas. Et pour Les Souris Valseuses c’est drôlement bien. Tout était bien, alors c’est arrivé là-dessus. Pourquoi comment? À ce moment-là on se dit «Bon, c’est comme ça». Là c’est plus volontaire, dans le sens où la couverture d’origine des Souris Valseuses, vous savez, aux Presses de la Cité, c’est les couvertures de romans policiers, des romans de gare… Et donc il y a une imagerie.

La personne qui avait fait certaines illustrations des couvertures de Bastiani à l’époque, le monsieur s’appelle Jef de Wulf, il avait plein de femmes comme ça, des belles dames. Et puis c’était toujours des titres, des titres… n’importe quoi, non pas n’importe quoi d’ailleurs. Parce que l’achevé d’imprimer, c’est la reprise des titres. C’est pour dire qu’elles ont tout connu. Donc… Étreinte à Borneo enfin des trucs comme ça quoi.

Isabelle Jégo (rires)

Olivier Gadet La corrida sanglante

Isabelle Jégo (rires)

Philippe Millot Pizza au sang

Sophie Millot Pizza au sang c’est bien ça.

Philippe Millot Oui, il est bien Pizza au sang!

Olivier Gadet Coquin de fakir

Philippe Millot Coquin de fakir

Olivier Gadet La fine à l’eau

Philippe Millot Oui, Bolero, torride

Olivier Gadet Quelque chose comme ça oui.

Philippe Millot …à Bilbao, Enfin tout ça quoi. Puis, là bon j’aimais bien, je me suis dit que ça pourrait être assez beau de reprendre ces couvertures avec ces femmes, toujours des poitrines assez… suggestives… Et puis ça contrastait avec la tête de Bastiani qui a une vraie gueule de truand corse…

Olivier Gadet (très bas) Moi je dis pas de mal des Corses.

Philippe Millot (rires) Bon donc voilà, et puis parfois c’est plus… (il cherche)

Olivier Gadet (cherche aussi) Là y a les deux… non mais là y a les deux.

Philippe Millot Non mais le premier il a l’air bien… oui. Donc, ça (il montre une image dans un exemplaire de L’Amour est une région bien intéressante de Anton Pavlovitch Tchekhov), ça c’est, c’est un paysage russe… Parce que l’Amour c’est une région en Russie. Enfin c’est un fleuve. Mais L’Amour est une région bien intéressante donc, c’est un voyage de Tchekhov vers les prisons sibériennes, et donc j’ai repris un paysage parce qu’il en parle. En fait dans le livre, c’est vraiment quelque chose qui est repris de. Et puis, on l’a dedans le paysage américain?

Philippe Millot Parce qu’il fait une description de ce qu’il est en train de voir (il déplie) et alors j’ai reposé un autre paysage de Levitan… le peintre en question s’appelle Levitan donc j’ai trouvé un autre paysage de Levitan, et puis là, c’est un autre paysage mais il n’est pas du tout de Levitan. Mais, mais en face…

Olivier Gadet Là.

Philippe Millot Ah cette image-là?

Olivier Gadet Oui.

Philippe Millot Ah ça c’est une image. Parce que ça c’est aussi une image d’archive, qui raconte exactement ce qui se dit sur la page d’en face. Alors généralement, les images n’illustrent pas, mais là comme on était sur une sorte de voyage, comme il écrit, ce sont des lettres qu’il écrit à ceux qui sont restés chez lui, il dit «Voilà je suis là, je suis à cet endroit», j’aimais bien que ça suive… Et puis on en a une qui est un peu étrange parce que donc ce paysage, c’est un paysage américain, (il montre une image) mais c’est parce qu’en face, il dit en gros qu’il n’y a qu’un seul pays… qu’il n’y a qu’un seul endroit qui peut comprendre les paysages russes, c’est l’Amérique. Et donc, c’est la vue la plus célèbre du Grand Canyon. Celle à partir de laquelle David Hockney a refait toutes ses séries du Grand Canyon, et cette image-là elle est dans le bureau du président américain. Et donc, j’aimais bien l’idée qu’à l’intérieur de ça, sa description à lui soit suivie, qu’on comprenne ce que c’est de passer par ces paysages. Et puis il y a un petit passage dans le texte où Tchekhov raconte qu’il est surpris parce qu’il rencontre un ancien commerçant qui a vécu des choses un peu… Dont on suppose qu’il a eu des problèmes, et qui lui donne une cuillère en argent. Donc, j’ai remis une cuillère en argent. Au début j’en avais mis une autre (acquiescement d’Olivier) c’était une image que j’avais trouvée de cuillère en argent d’un service à café russe et puis je me suis dit… oui pourquoi pas, je l’aurais laissée mais je suis allé faire un voyage, je suis allé à New York et j’ai trouvé, une cuillère qui était comme un flèche amoureuse. Je me suis dit que c’était une cuillère qui était à la fois la cuillère à café, et puis à la fois l’amour. Donc que c’était la première chose qu’on devait retrouver dans le livre… Donc on l’a une fois de face une fois de dos.

Olivier Gadet Le dos à la fin.

Philippe Millot Comme à chaque fois…

Olivier Gadet Une notion de symétrie…

Philippe Millot Ce qui permet également de donner… Enfin ça n’explique rien, je veux dire que rien n’explique rien… Mais c’est ce qui fait qu’à la fin on a « Fabriqué avec le dos de la petite cuillère, virgule, à Pau, par les éditions Cent pages», à Pau, la ville de Pau, «et sorti de sa poche par SpMillot Paris».

Philippe Millot « Les images russes, d’Isaac Ilitch Levitan, l’Amérique, de Thomas Moran. » Et puis, on redit une chose supplémentaire qui est « par convention il y a trois cuillères à café dans une cuillère à soupe, et deux cuillères à café dans une cuillère à dessert, de plus, lorsqu’on a à faire à des poudres il faut distinguer la cuillère rase de la cuillère comble, par convention encore cette dernière est exactement le double de la première ». Bon on a appris quelque chose de plus, donc c’est pas mal.

Tout le monde (rires)

01:52:0002:01:10

Olivier Gadet C’est très bien! Et ça, c’est quand même un livre dont le titre s’étale sur vingt pages. Ce qui fait que le conducteur offset, quand il était en train d’imprimer sa feuille, il se demandait comment il allait la plier. Alors il n’y arrivait pas du tout. Ça fait ça quand c’est à plat. C’est très beau d’ailleurs. Il ne savait absolument pas dans quel sens… Il n’y avait pas de numéro de pages, donc il ne savait absolument pas dans quel sens il allait pouvoir la plier. Donc c’est lui qui m’a dit: «Mais il y a VINGT pages de titres?» (rires) Et oui.

Alexandre Leray Et pour les éditions Cent pages vous travaillez souvent avec les mêmes imprimeurs ou le même imprimeur?

Olivier Gadet Non, ça m’arrive de faire plusieurs fois des livres chez le même, mais c’est une série de circonstances et puis il n’y a pas que l’imprimeur. Parce que là, on en est à la partie impression, on a tout ce qui a été imprimé, mais là maintenant on a d’autres tâches qui vont être par exemple de faire le marquage à chaud. Il y a un film qui est passé à chaud sur le bas de la couverture. Ensuite de faire coudre le cahier avec du fil rouge, donc ça, ça se passe encore ailleurs. Ensuite il faut que ça soit broché et puis enfin que les tranches soient peintes donc j’ai encore affaire à trois ou quatre intervenants. C’est à chaque fois une sorte d’assemblage, de composition. Le plus difficile n’étant pas forcément la partie impression à proprement parlé, mais que tout soit fait correctement et que tout puisse bien se combiner.

Alexandre Leray Quand vous travaillez avec le Centre Pompidou vous ne choisissez pas forcément les partenaires avec qui vous travaillez. Mais on pourrait imaginer la même relation entre vous deux avec un imprimeur également. Est-ce que c’est parce que les objets dans cette collection-là en tout cas ne changent pas forcément au niveau des techniques ou des choses employées donc je me demandais pourquoi il n’y avait pas aussi cette relation avec un imprimeur.

Olivier Gadet Pour qu’un imprimeur s’y intéresse…

Alexandre Leray D’accord. Et ça vous n’avez pas trouvé encore?

Olivier Gadet Non. (rires) Non, ça les emmerde, enfin franchement quoi. Non, les gens pris un par un, enfin les individus. Il se peut très bien qu’un conducteur sur sa machine soit intéressé. Que telle personne qui fait le façonnage à qui je demande de tenir le livre un millimètre de plus de chaque côté parce qu’ensuite il va être raboté, poncé pour qu’on passe la couleur. Donc il se demande, il se dit: «Mais pourquoi? Pourquoi vous me demandez ça?» Ou le façonnier à qui on demande de coudre avec du fil non pas blanc, normal, habituel et conventionnel, mais de coudre avec du fil rouge me demande pourquoi on demande ça… à un certain moment il y a des individus ici ou là qui s’intéressent parce que je me souviens aussi d’un conducteur, l’air complètement affolé, avec une feuille de tirage, me disant: «Mais attendez y a un folio en bas sur la page de gauche et un folio en haut sur la page de droite. Il y a un problème!» Je lui dis «Non, il n’y a pas de problème, c’est ce qu’on a voulu.» Donc ça les fait peut-être un peu gamberger. Mais ils sont tellement soumis à des cadences et à des règles de productivité, qui doivent être un peu les mêmes dans chaque secteur industriel que grosso modo, l’imprimerie au sens de la personne morale, c’est-à-dire ses actionnaires, ses dirigeants, etc. n’aime pas faire ça. Ça va pas assez vite. Ils perdent de l’argent. Ils sont là, ils ont des courbes, ils ont des trucs… De nous voir arriver pour rester pour le calage de tout le livre! Alors ils nous ont dit «Mais, mais, mais c’est du noir!» alors je dis «Justement!» (rires). Justement. Il y a du noir, il y a du gris, il y a du gris foncé, il y a du noir clair, il y a du noir foncé. La quadri, bon c’est encore différent.

Mais c’est vrai que c’est un métier qui s’est un petit peu dévalorisé. Par exemple ils me disaient qu’ils n’avaient plus jamais jamais, quand ils travaillaient en couleur, d’épreuves. Nous, ce qu’on appelait avant des Cromalins. Donc les types sont là et ce qui faisait peut-être l’intérêt de leur travail, c’était de dire: « Voilà, j’ai une épreuve et je dois retrouver exactement la même chose avec ma machine. » Ça n’existe plus. On leur dit: « Voilà, il faut caler en je ne sais plus combien d’heures et puis il faut rouler trois mille exemplaires à l’heure. » C’est ça leurs vraies performances. Un imprimeur non, un imprimeur qui s’intéresse à ça. Non. Il n’y en a pas. Désolé! (rires)

Luc De Fouquet Est-ce que vous travaillez exclusivement avec des imprimeurs ou des façonniers en France ou est-ce que ça vous est arrivé de trouver des gens peut-être plus intéressés en Belgique ou en Italie……

Olivier Gadet On en avait, on a trouvé un relieur en Belgique. (à Philippe Millot) Comment il s’appelait déjà?

Philippe Millot Delaby.

Olivier Gadet Delaby! Mais……

Olivier Gadet Oui on a travaillé… On a travaillé en Italie, mais… voilà, en fait je crois qu’on a ce qu’il faut ici pour travailler, en France ou peu importe.

Philippe Millot Ou autour de chez soi.

Olivier Gadet Oui, on peut toujours trouver c’est même assez… Il n’y a pas besoin pour faire ça d’une grosse imprimerie suréquipée avec trois ou quatre ou cinq presses huit couleurs, grands formats, etc. Mais il faut faire attention.

Philippe Millot Travail soigné.

Olivier Gadet Ah oui! Une fois j’avais vu sur une de mes palettes il y avait un grand signe, vous savez comme «DANGER». Il y avait écrit «Danger, travail soigné». (rires)

Isabelle Jégo (rires) Ça veut dire «Danger c’est des emmerdeurs.»

Olivier Gadet Oui. Voilà.

Philippe Millot «Méfie-toi, Olivier va venir la semaine prochaine.»

Isabelle Jégo (rires)

Olivier Gadet Mais c’est vrai que je demande parfois à venir à des trucs, on n’imagine pas une seule fois pourquoi je demande. Par exemple le pliage. Je ne sais pas, si un truc est mal plié ou pas bien ou qui se décale comme pour le Frisch qu’on avait fait refaire parce qu’il était mal plié. Le Frisch, il y a trois, quatre lignes sur chaque page. Il se trouvait que c’était très mal calé et donc on avait l’impression que ça n’était jamais à la même hauteur. Ça se voyait…

Philippe Millot Oui.

Olivier Gadet Et je trouve que ce n’était pas bien, ce n’était pas bien fait. Et il se trouve qu’au lieu de de faire des cahiers —bon c’est un peu technique— de seize pages, c’est-à-dire avec moins de plis, on avait fait des cahiers de 32 où il y a un pli supplémentaire et que ça avait été mal passé. Que c’était du papier léger et que ça a donné ça. Et ils ont en ont convenu, d’ailleurs ils l’ont refait.

Donc aller voir les choses comme ça, y aller quand ils font les tranches, aller voir même parfois, même souvent, ce qu’ils appellent l’emboîtage (c’est le moment où on enveloppe l’intérieur, qui est cousu et qui vient s’emboîter dans la couverture qu’on colle). Mais après, savoir jusqu’où on met de la colle, combien on en met, enfin toutes ces choses là, ça peut…

Isabelle Jégo C’est un vrai, vrai emmerdeur.

Olivier Gadet Ça peut…

(rires)

Olivier Gadet (rires) Oui, peut-être!… Mais toutes ces choses-là peuvent faire l’objet d’un choix, d’une décision d’un individu qui travaille sur sa machine.

Olivier Gadet Il peut mettre plus ou moins de colle. Il peut faire aller la colle jusque-là. Il peut faire ce qu’on appelle un pli, enfin, un rainé, un truc comme ça qui nous plaît pas beaucoup. Donc s’il peut faire ça, il peut aussi faire autre chose. Autrement. Et c’est pour ça qu’on est là en général.

02:01:1002:01:20

Philippe Millot Au début avec Olivier, sur les premiers livres, quand j’ai fait le premier où je faisais l’intérieur, je me souviens que vous aviez dû me demander une chose, ou peut-être ne pas vouloir me la demander. Et je dois vous avoir dit, parce que vous me disiez «vous» et «Je ne voulais pas vous embêter», alors que c’est tout le contraire, je veux dire «Embêtez-moi». Il n’y a rien de pire que de dire «On ne va pas embêter les gens». Donc on laisse comme c’est. Non, non. Même si c’est embêtant, enfin surtout si c’est embêtant, ne pas hésiter, même si on doit refaire le livre en entier. Ce n’est pas grave ça. À la fin, le livre c’est ce dont on se souvient. Le reste… Donc surtout, surtout faire en sorte que le livre soit comme on souhaite qu’il soit.

02:01:2002:04:31

Philippe Millot Voilà, après pour les images, si je reviens un tout petit peu sur les images, vers les images qui viennent en plus parfois, c’est comme ce qu’on se disait sur le texte. Ce sont des histoires qui fonctionnent avec le texte. Ce sont des histoires qui fonctionnent avec ce qu’on se raconte nous, ce sont des histoires en plus quoi, c’est encore plus d’histoires.

Isabelle Jégo Oui mais c’est rempli d’histoires. Parce que ce qui est étonnant aussi c’est l’attachement aux sources des choses. Aux sources des images, aux sources des caractères employés et à chaque fois on a l’impression que ce sont des histoires dans des histoires dans des histoires. Et c’est vrai que quand tu présentes les choses ce n’est pas une chaise, c’est telle chaise. Ce n’est pas une chaise de Rietveld c’est cette chaise… (rires) Et je trouve ça assez étonnant…

Philippe Millot Pour la cuillère, ça m’embêtait que la cuillère du livre soit une cuillère que je ne connaisse pas, dont j’aie pu apprécier… Je trouvais que c’était une très belle forme, qu’elle était oui très bien dessinée, assez belle, touchante même, mais c’était une image…

Isabelle Jégo Tu ne l’avais pas eue en mains.

Philippe Millot Non, alors que l’autre j’ai déjà mis de la farine dedans…

Philippe Millot Donc c’est lié, à la fois à un travail qu’on fait avec Olivier, au fait que, de façon plus familiale encore, c’est lié à Nicolas, que vous n’avez peut-être pas vu… C’est une cuillère qui est liée à son voyage aux États-Unis, parce qu’il était avec moi. Donc il se retrouve dedans. C’est comme…

Olivier Gadet Les lunettes.

Philippe Millot Oh il y a les lunettes oui, mais bon. Celui-là c’est: «Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot Paris. Le texte est composé sur la pointe des pieds. Formant une spirale. Une vraie rosette. Naïve et frêle enfant de l’eau, des fleurs des branches, c’est toi la pure, c’est toi la franche. E.V. Quinze poèmes.» Bon, voilà, c’est pour Rose.

Isabelle Jégo (rires)

Philippe Millot Rose, la petite qui est passée là tout à l’heure…

Isabelle Jégo (rires)

Olivier Gadet Hm! Qui a claqué la porte!

(rires)

Philippe Millot On l’a entendue partir oui. C’est à la fois pour elle, mais à la fois ça raconte entièrement comment est fait le livre. Ça raconte avec quel alphabet, ça raconte la relation que j’ai eue avec le monsieur qui a fait l’alphabet, ça raconte des choses, mais ça nous les raconte, enfin ça me les raconte à moi. C’est une autre façon de me les raconter… Pas qu’à moi, ça les raconte à Olivier aussi.

02:04:3102:06:19

Philippe Millot Ah oui, ça c’est encore autre chose, mais ce qui est intéressant là-dedans c’est… Éditeur de livres?

Olivier Gadet Éditeur de livres de livres.

Philippe Millot (rires) Oui. Sur les cartes de visite des membres de La Boîte… La Boîte, c’est une boîite de libraire qui se trouve sur les quais, vous savez les bouquinistes. Donc il y a une association qui s’appelle «La Boîte». La Boîte, Quai Conti, paris 6. Donc il y a Emmanuel Pierrat, Marie-Laure Bernadac, la présidente, Marie-Ange Guilleminot… C’est déjà beaucoup! (rires) « Philipe Millot dessinateur de livres» et puis on a Olivier Gadet qui lui est « éditeur de livres de livres». (rires)

Olivier Gadet On peut en rigoler (rires)

Philippe Millot Et c’est vrai.

Olivier Gadet Non parce que ça fait plusieurs fois que je fais des voyages comme ça en voiture assez loin et je me souviens assez fréquemment de contrôles routiers, de policiers ou de gendarmes, gendarmes royaux, qui me demandaient:

« Quelle est votre profession?
– Éditeur.
– Éditeur de quoi?
– Éditeur de livres.
– Éditeur de livres de quoi?
– Éditeur de livres de livres.»

02:06:1902:14:58

Olivier Gadet Quand on va à la fabrication, par exemple on s’aperçoit, au façonnage, qu’un format comme ça, ils ne le traitent pas à ce format-là. Même pas avec un centimètre de tour, mais ils le traitent avec un format nettement plus grand. Là, ça fait 17 cm, ils vont le traiter sur une largeur d’à peu près 20. Et là ça fait 11 centimètres, ils le traitent sur une hauteur de 15 centimètres. Le format le plus petit qu’ils peuvent traiter c’est 15×20 cm, dans les machines qui façonnent. Donc du coup je me suis aperçu que ce livre-là, qu’on avait fait, il allait avoir un bas vierge, qui allait être coupé après. Donc du coup je me suis dit que ce bas, qui allait faire 4 ou 5 centimètres de haut sur 17 de large, on pourrait peut-être en faire quelque chose. Pas vrai Philippe?

Philippe Millot C’est vrai!

Olivier Gadet Et donc, du coup on en a profité pour faire fabriquer un objet qu’on n’aurait pas pu du tout faire fabriquer, pour les raisons que je viens d’expliquer, parce qu’il aurait fallu rajouter, pour le coup, 15 cm de hauteur…

Olivier Gadet Et voilà, donc on a fait fabriquer ça. En fait il y a un objet qui existe, qui est le bloc formé par ces deux objets qui ensuite est coupé et qui donne d’un côté le livre de Fénéon Nouvelles en trois lignes, et qui de l’autre côté donne le catalogue général de l’année 2009. Et souvent on nous demande comment on a pu faire ça, parce qu’on ne peut pas.

Isabelle Jégo On ne peut pas.

Philippe Millot Bon. Mais, parce que derrière il y a…

Olivier Gadet Houiaiaia!.

Philippe Millot Houiaiaia!. Mais on a ça aussi, c’est un combat de boxe, puis on a…

Isabelle Jégo C’était dans la même année, c’était le même……

Philippe Millot Ah oui, ils ont été fabriqués ensemble. Oui. On a aussi une règle, avec ici un calibre et puis on doit avoir… Voilà, on a ça: Maintenant. Bon, ça raconte trois, enfin deux, non? Oui, deux choses différentes. Maintenant, Houiaiaia! et le combat de boxe. Enfin non, les trois, les quatre racontent la même chose.

Olivier Gadet Finalement.

Philippe Millot Oui, finalement, oui. On va faire plus simple. Ça raconte Cravan, Arthur Cravan. Donc, Maintenant c’était sa revue. Houiaiaia! c’est le premier mot d’un des poèmes qui se trouve dans la revue et le combat de boxe parce que Cravan était boxeur, en même temps que d’être un écrivain. Et ça, c’est parce que c’est la taille d’un cigare, un cigare Churchill. C’est donné par le calibre. Ce calibre-là c’est Churchill, on le sait. Et c’est parce que Houiaiaia! ça fait partie de «J’ai tes cigares» ?

Olivier Gadet Oui, «J’ai tes cigares» fait partie du poème.

Philippe Millot Voilà, il y a un poème qui dit « J’ai tes cigares ». Donc ça permettait de mettre tout ça ensemble et puis parce qu’il y avait une image… Pour expliquer aussi pourquoi j’ai pensé à Churchill, en l’occurrence, c’est parce qu’il y avait une image de Churchill, il fume un cigare et derrière lui, il y a un énorme portrait, il y a un énorme portrait de Félix Fénéon. Ce qui est quand même étonnant. Parce que sur la jaquette quand elle se déplie, on a un portrait de Fénéon avec deux de ses amis. Et donc bizarrement, il y avait derrière Churchill, un énorme portrait de Fénéon, bon. Alors tout ça, à la fin, ça faisait une histoire qui avait l’air de se comprendre.

Sophie Millot Ou pas.

Philippe Millot Ou pas. Alors on donne des indices, toujours, parce qu’il ne faut pas non plus que ce soit… Donc, comme ça s’est fait du temps où j’étais en Italie, un « index » en italien, ça se dit « indice » et donc un « index » c’est ça, c’est le doigt qui est là, mais c’est aussi un indice et aussi un index. Donc dedans vous avez l’index fait par Olivier, de toutes les occurrences qui se trouvent dans ce livre-là. Ça sert ou ça ne sert pas?

Olivier Gadet Moi ça me sert, oui. En plus je trouve que c’est très poétique un index, j’aime beaucoup ça les listes de noms comme ça, même si ça ne sert à rien…

Philippe Millot Ça sert en plus. Moi, à chaque fois que je dois dire quelque chose à quelqu’un je m’en sers.

Stéphanie Vilayphiou Derrière la photo, c’est quoi?

Philippe Millot C’est aussi un index.

Stéphanie Vilayphiou C’est le même?

Philippe Millot Oui, mais tout le monde ne l’a pas, ne le reçoit pas. Il n’est pas forcément glissé cet index. Là-dedans vous avez le catalogue général des éditions Cent pages mais vous n’avez pas que le catalogue général, vous avez encore un autre livre.

Olivier Gadet Ah oui c’est vrai.

Philippe Millot Eh oui. Qui sont les…

Olivier Gadet 152 proverbes mis au goût du jour.

Philippe Millot Voilà. Donc à chaque fois vous avez un des proverbes d’Éluard et Péret et puis vous avez le catalogue donc en même temps… Tout à coup, en faisant juste Fénéon…

Olivier Gadet Juste, oui.

Philippe Millot En faisant juste Fénéon, vous avez deux autres choses avec…

Marie Hume La première fois que j’avais regardé le catalogue, j’avais compris que les proverbes au final, c’était les titres des livres et qu’au dos on avait les références.

Philippe Millot Ah oui?

Marie Hume Après en regardant mieux j’ai compris que…

Olivier Gadet C’est ça qui est bien.

Philippe Millot Oui par exemple, Dagerman, « Le mérite adoucit les flirts ».

Isabelle Jégo Voilà!

Philippe Millot Pas mal! Pas mal, ça marche… Ça, c’est pour qui « Les labyrinthes ne sont pas faits pour les chiens »? Pour Blanqui! « Pour «La canaille», «Obsession vaut mitre»! Pour Arthur, « C’était pire avant », « Les grands oiseaux font les petites persiennes. » Très bon, ça marche. Oh ça, c’est pour nous Isabelle. Tu te souviens, « Comme une poule qui a trouvé un couteau »?

Isabelle Jégo Thérèse!

Philippe Millot Oui! Ça, c’est ce qui permet de tamponner sur les tranches et d’avoir le titre du livre. Pour les 152 proverbes mis au goût du jour.

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Isabelle Jégo Est-ce qu’il y a les mêmes histoires, on en parlait rapidement tout à l’heure, sur les choix des caractères typographiques? Est-ce qu’à chaque fois il y a cette même histoire, par rapport au texte, est-ce que ce sont des réponses à d’autres livres?

Philippe Millot Oui toujours. Comme je le disais tout à l’heure pour les textes, ça participe vraiment de la même chose, c’est-à-dire qu’un caractère, je peux le choisir pour son nom, si son nom est bien, mais il faut aussi que le texte donné, ce texte-là, composé dans ce caractère-là, ait sur la page un son juste. Il faut qu’une fois que vous avez choisi, quand vous vous dites « Ça, je le ferais bien avec cet alphabet », vous le posez, vous le mettez sur la page et là, si ça sonne juste, ça va. Parce que si c’est uniquement le nom qui m’intéresse mais qu’il ne sonne pas juste, j’enlève. Évidemment j’en cherche un autre. Alors sonner juste, c’est à la fois sans moi, il doit sonner, et puis à la fois c’est par rapport à ce que je cherche aussi. Puis après il y a des histoires…

Isabelle Jégo J’imagine que dans chaque livre tu peux raconter des histoires sur ce choix.

Philippe Millot Oui, là par exemple sur ce que je vous ai raconté, là je disais, «Sur la pointe des pieds.» Bon, mais si je prends celui-là qui est composé avec le même caractère, je dis à la fin, « le texte est composé sur la pointe des pieds ».

Dans d’autres cas, celui que je prenais tout à l’heure, le Jean-de-la-Ville… évidemment sur cette version-là je ne le dis plus. C’est sur la version d’avant. Où je parle des fonderies, c’est-à-dire que je dis que le livre a été composé sauf le dimanche et puis je dis que c’est Sebastian Carter qui est un critique de typographie, qui dit qu’aujourd’hui, il y a des milliers de fonderies pas plus grande qu’une table de « cuizine », avec un z. C’est intéressant parce que rien qu’en disant ça, je dis le nom de l’alphabet et je dis aussi la contrainte que je me suis donnée à l’origine pour faire les livres, qui est de travailler toujours avec des alphabets ou des histoires liées au nom de Carter. Alors au début ce sont les alphabets de Matthew Carter, ce sont toujours les alphabets de Matthew Carter, enfin il faut que ça tourne autour de Carter. Parce que la contrainte s’épuise vite sinon comme ça, quoique Carter ait fait beaucoup de caractères… Tout à l’heure je vous en ai lu un sur la pampa argentine. Alors le nom du caractère est directement lié au livre, à l’auteur du livre. Donc je l’ai pris pour ça. À la fois parce que je connais le dessinateur de caractère, je peux donc lui demander des choses, parce que parfois les caractères vont, mais ne vont pas entièrement, donc je lui redemande une chose, est-ce qu’il peut modifier ou pas, là il m’a dit « Merde » et aussi parce qu’il a eu, lui, le prix Morisawa, quand le prix existait encore, qui est un prix de dessin de caractère au Japon, qui est le plus important, et que la mention spéciale lui a été accordée par Matthew Carter, donc ça me permettait de faire revenir Carter dans l’histoire et de dire tout ça c’est plus pareil. Donc c’est toujours un peu ça qui se raconte quoi.

Philippe Millot Alors sur Jean Rolin j’ai dit quoi? Je n’ai peut-être rien dit sur Jean Rolin. Si, je suis bête, c’est dit quoi! «Achevé d’imprimer par les éditions Cent pages sur un dessin de SpMillot, Paris. Et, quand Persée lui eut tranché la tête, le grand Chrysaor surgit, avec le cheval Pégase. Tous deux reçurent ces noms, l’un parce qu’il était né aux bords des flots d’Océan, l’autre parce qu’en ses mains il tenait une épée d’or. Et Pégase, prenant son envol, quitta la terre, mère des brebis et s’en fut vers les Immortels. Il habite aujourd’hui le palais de Zeus, portant le tonnerre et la foudre pour le compte du prudent Zeus. HÉSIODE De Rome aux Terres Australes, MMXI» Bon, voilà, j’ai dit avec quoi était fait l’alphabet.

Isabelle Jégo Voilà…

Philippe Millot Et c’est lié à Matthew Carter, et avec une particularité dans ce cas-là, c’est que l’alphabet n’existait pas dans les catalogues parce que l’alphabet n’a jamais été édité et que j’avais juste posé à Matthew Carter une question, c’est-à-dire que je lui avais envoyé les derniers livres qu’on avait faits, et puis je lui avais dit: «Voilà je cherche pour deux livres que je vais faire et j’aimerais bien que les deux, c’est-à-dire le Rolin et le Blondin, soient faits avec le même alphabet et je cherche un alphabet plutôt comme ci, plutôt comme ça… Est-ce que vous n’auriez pas un alphabet que je ne connaîtrais pas et qui aurait cette nature? Et il m’a dit: (il imite M. Carter) «Ah oui oui, celui-là il ne pouvait pas être édité mais oui ça m’intéresserait bien de voir ce que ça pourrait donner ». Donc il m’a envoyé ça et j’ai fait ces deux livres avec cet alphabet. (silence) Et ça marche. Enfin ça marche, j’espère que ça marche. C’est un alphabet très costaud donc…

Isabelle Jégo Donc il n’est pas édité.

Philippe Millot Non, il n’est pas édité. En plus je l’ai composé dans un très grand corps, enfin assez grand corps. C’est un alphabet qui n’avait pas tout, il manquait des lettres. C’était assez drôle puisque je n’avais que les petites capitales en gras, je n’avais pas de capitales ni de minuscules. J’avais les capitales en italique regular et les minuscules et j’avais l’italique, j’avais le romain aussi en regular mais pas en petites capitales. Après je me débrouillais avec ça, et puis je n’avais pas envie de lui redemander. En plus je pense qu’il était sur d’autres choses et qu’il avait pas du tout envie de faire ça, donc ça marchait comme ça…

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Alexandre Leray Et d’où vient cette fascination pour Matthew Carter, est-ce que c’est le..

Philippe Millot D’où elle vient?

Alexandre Leray Est-ce que c’est uniquement pour cette collection-là où c’est…

Philippe Millot De façon générale?

Alexandre Leray De…

Isabelle Jégo Pour toute la vie! (rire)

Philippe Millot C’est mon père (rire).

(Rire général)

Philippe Millot Ça vient que, ne connaissant rien à tout ça, quand j’étais à l’école, on ne nous parlait pas vraiment de ça. On nous parlait de ce que j’ai dit tout à l’heure, c’est-à-dire de l’Univers enfin des choses qui… Il n’y avait pas de choses autour de la typographie véritablement, proche du caractère, proche de la composition du livre. Il n’y avait pas ça, il y avait des cours autour de la structure typographique, la hiérarchisation, c’est-à-dire que c’était de la typographie pour de l’information, de l’identité, et pas du tout pour du texte long. Absolument pas! Et il s’avère que pour les premiers travaux que j’ai faits, je cherchais des alphabets. Et puis je suis tombé sur un alphabet, je me suis dit: « Ah c’est beau ça! » et c’était un alphabet de Matthew Carter. Puis j’en ai cherché d’autres et puis deux, trois fois, au début, c’étaient toujours des alphabets de Matthew Carter, très différents les uns des autres. Et je me disais: « Ah c’est marrant, il y a là-dedans une main, une proportion qui m’intéresse, qui doit être la mienne en quelque sorte ». Ce n’est pas moi qui les ai faites mais c’est pareil. Ça revient au même. Je pourrais dire tranquillement: « C’est de moi!» (rire d’Isabelle Jégo). Enfin je ne le dis pas devant lui (rire général) Non, non! Mais donc il y avait de ça, alors je me suis dit: « Ah c’est quand même étonnant comme vous avez de l’affection pour certains caractères ». Voilà. Donc c’est venu comme ça je crois au début. Ensuite je me suis dit: « Tiens, je vais regarder tous ceux qu’il a faits! Et puis je vais essayer de les utiliser. Tous. » Alors, pour certains c’était plus délicat puisque j’avais moins de compréhension. Et le fait d’aimer le travail de quelqu’un, fait que, alors que vous n’aimez pas cette partie-là de son travail (vous ne l’aimez pas, vous ne le comprenez pas, vous ne l’appréciez pas, vous ne le voyez pas, vous ne l’entendez pas) mais comme vous aimez tout ce qu’il fait parce que tout à coup vous avez une sorte de passion pour un truc, vous dites: « Ah il est merveilleux… » Et vous arrivez à prendre ce caractère que vous ne savez pas comment utiliser, et comme vous aimez tout le reste vous arrivez à l’utiliser. Et vous vous dites: « J’ai franchi une étape, c’est-à-dire que je ne savais pas regarder ça et maintenant je sais. » Et alors ça c’est idéal parce que c’est ça qui augmente vos qualités perceptives. Parce que juste prendre ce qu’on aime bien tout de suite, c’est comme commencer un sport. C’est fou comme les deux premières semaines on est hyper habile, c’est génial, on prend sa raquette de tennis, on n’a jamais joué, on tape dedans et c’est super! On se dit: « Je suis vraiment bon! Pas très bon, mais ça va quand même. » Et au bout de trois semaines, là où il faut vraiment commencer à faire des efforts sur soi, pour faire vraiment le truc, ça ne nous intéresse plus. Ce n’est pas si bien en fait, on n’a pas de talent pour ça. C’est idiot, c’est justement ce qu’il ne faut pas faire. Donc, une fois que vous avez une passion pour quelque chose et puis que ça vous permet d’aller au-delà de ce que vous étiez capable d’apprécier, c’est là que c’est bien. Et donc c’est ça que j’ai fait, et donc là, l’Alisal qui est un caractère de Matthew Carter, que je ne comprenais pas, je ne voyais pas, je l’ai utilisée mais je ne savais pas comment l’utiliser. Rien ne sortait, c’est-à-dire, à chaque fois que je regardais, je me disais: « Mais c’est pas possible, quoi! Je ne vois pas où il est. Je ne le vois pas. » Mais je l’ai fait, c’est-à-dire que je l’ai cherché parce que j’aimais tellement les autres, je me suis dit: « Ce n’est pas possible que celui-là je ne sache pas. » Et à la fin il était bien…

Alexandre Leray C’est un peu l’histoire du Skia aussi non?

Philippe Millot Ah non le Skia j’ai toujours eu une affection, c’est-à-dire que le Skia, ça a été immédiat, ça a fait partie des premiers caractères que j’ai utilisés. (la porte claque) J’ai une vraie affection pour les caractères lapidaires.

Isabelle Jégo Le Skia, c’est celui qui est sur les couvertures.

Philippe Millot Oui le Skia c’est celui-là. Alors c’est le Skia sans être tout à fait le Skia puisqu’il est modifié… il est tout ça, mais bon… (silence).

C’est marrant parce qu’à un moment donné, comme j’utilisais les caractères de Matthew Carter de façon consciente, on va dire, que j’ai dû le dire une ou deux fois, que c’étaient des caractères qui étaient peu utilisés, du moins dans les premiers temps, quand je les utilisais… Le Mantinia par exemple, j’ai travaillé avec le Mantinia, je ne le savais même pas, mais il venait de le faire, je l’ai acheté, parce que je me suis dit que c’était bien, donc j’ai commencé à travailler avec le Mantinia sur les catacombes de la ville de Paris (pendant 5 ans, je faisais une affiche par an). Et puis j’ai travaillé avec le Mantinia. Et des gens ont commencé à dire: « C’est marrant, Philippe, il utilise des caractères assez étonnants, assez bizarres, enfin en gros il aime bien les caractères qui viennent de sortir! » Parce qu’il s’avère que je venais d’utiliser celui-là et puis que j’avais utilisé un autre caractère qui venait de sortir. Mais ce n’était pas du tout le fait qu’il soit nouveau, moi je m’en contrefous en fait de la nouveauté, ça ne m’intéresse pas, pas particulièrement. Je n’ai pas de goût pour la nouveauté, je n’ai pas non plus de détestation, mais c’est juste je ne l’ai pas fait parce que c’était nouveau, mais parce qu’il y avait un truc qui m’allait.

Et je me suis aperçu que souvent, ces caractères-là c’était quand même des caractères qui étaient… Carter, il est franc. On ne peut pas le dire autrement, il est franc! C’est pas un type qui tourne autour du pot, il n’y a pas de zigouigouis dans tous les sens, des ligatures à n’en plus finir, des machins qui font comme ci comme ça, non, pas du tout. C’est là, c’est taillé. Quand on y va, c’est pas pour rigoler! L’alphabet, il est là, il est bien, il est fort, il tient sur la page, et il a une sorte de dignité quoi, il est là. Et donc je me suis dit: «C’est ça en fait, c’est ça que je cherche, dans les alphabets, je cherche cette chose-là. » Et voilà! Et je me souviens par exemple sur le fait des alphabets difficiles, donc à l’école on nous disait: « Les caractères d’ITC, faut pas y toucher, c’est nul. Le Lubalin il est lamentable, le Benguiat, faut même pas regarder ». Et puis je me disais «C’est quand même étonnant qu’on nous dise ça parce que quand on voit le travail de Lubalin, c’est splendide. Avec des alphabets nuls… Caruso c’est pareil, Benguiat c’est pareil enfin bon je me suis dit: « Mais faut que je les utilise… » donc les premiers travaux que j’ai faits je les ai faits avec des caractères que je cherchais qui n’étaient pas ceux que j’avais appris à l’école. J’avais l’impression que je savais le faire par cœur, prendre un Univers et sortir une page de texte, elle était bonne à tous les coups. J’y arrivais, j’avais été tellement formé là-dessus, que je pouvais faire ce que je voulais, le mettre en gros, en corps, les équilibres étaient toujours bons. Je me suis dit: « Je ne vais pas faire ça toute ma vie, c’est pas possible! » Donc c’est là que j’ai trouvé les alphabets de Carter, et puis je me suis obligé à travailler avec les caractères d’ITC, je me suis dit « Si Lubalin sait le faire, il n’y a pas de raison que je ne sache pas non plus. » En fait s’il y a des raisons, il y a comme raison que je ne suis pas Lubalin et qu’il sait mieux le faire que moi, bien mieux. Donc… Mais c’était ça, dépasser cette chose-là.

Après c’est ça que j’ai essayé de faire le plus souvent possible. Et puis c’était aussi rentrer dans une familiarité avec quelqu’un. Je sais que la première fois, oui je crois qu’il y a eu ça aussi, j’y pense, au début je travaillais pour la Maison de la Radio en indépendant et j’avais utilisé des alphabets que j’aimais bien dont le premier alphabet de Carter que j’ai utilisé, c’était le Charter, j’adore ce caractère. Et j’utilisais ça et j’avais été invité à l’ATypI pour montrer mon travail, et il y avait Matthew Carter dans la salle, et donc à la fin je…

Et là, notre enregistrement s’est arrêté… Quelques notes prises à la main : Phillippe Millot a parlé de Matthew Carter de la Verdana, de l’utilisation, dans Le Concile d’Amour, d’un caractère vénitien et de la Verdana, de la façon dont une typographie incarne un texte.

Pour le livre avec les gravures de Masereel, il fallait trouver un alphabet, éviter la citation, trouver quelqu’un qui sache «dessiner noir» (les Hollandais sont trop mouvementés). Philippe Millot et Olivier Gadet ont rencontré un typographe, se sont dit «Voilà un type qui veut jouer avec nous!»

Ce livre a été composé «sur la pointe des pieds» (énigme?)

Philippe cite de mémoire un passage du livre de Sorrentino Salmigondis qui pourrait définir son travail : «L’amour de la broderie, le plaisir incontrôlé de la digression, la joie de se faire une montagne d’une taupinière, apporter des réponses même quand il n’y a pas de question.»

Pour lui, faire ce métier c’est appartenir à une histoire, c’est rentrer, s’inscrire dans l’histoire, celle de la typographie, celle du livre. Il y a ce qui s’est passé avant et ce qui se passera après.

C’est être engagé, être responsable, c’est aussi de la politique (exemple des logos).

Ça a plus à voir avec la philosophie ou la théologie qu’avec la communication.

Il parle aussi de l’importance du texte: Les incunables d’Alde Manuce sont les plus beaux parce que les textes sont importants.

Nous évoquons la question des règles en typographie.

Il nous explique que dans l’histoire, les règles typographiques sont venues officialiser un usage. Qu’on les applique, 100 fois, et à la 101e fois, on se demande comment on pourrait faire autrement, qu’il faut bien comprendre la règle pour parfois choisir de ne pas l’appliquer.

Ce qui se fait/Ce qui ne se fait pas

Traverser sur les passages piétons/Rosser les cognes (Brassens)

A suivi une discussion autour de la question de l’Internet, sur l’impression qu’on peut avoir de connaître le travail de quelqu’un parce qu’on l’a vu sur l’Internet.

Philippe fait l’éloge de la discrétion, parle de ses étudiants, «Écoutez-moi, je suis discret!» À qui il dit «Affirmez votre discrétion!»

@Cent pages et quelques collections

Robin cent Batman, des hommes libres cent vodka, des feuillets cent famille, des livres aux Cent pages.

@La Parure

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@Œuvres complètes XIV
Essai sur le goût

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Jacques Rigaut
Le jour se lève ça vous apprendra

11 × 17 cm, 80 pages
Parution : 01.09.2009

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Ramón Gómez de la Serna
Greguerías

12,5 × 19,5 cm, 160 pages
Parution : 21.09.2005

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Anonyme
Je t’embrasse pour la vie
Lettres à des morts (1914-1918)

11 × 17 cm, 64 pages
Parution : 20.01.2009

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Jean Genet
Dialogues
11 × 17 cm, 108 pages
Parution : 19.04.2002

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Stig Dagerman
Billets quotidiens

11 × 17 cm, 96 pages
Parution : 19.04.2002

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Roberto Arlt
Le petit bossu

12,5 × 19,5 cm, 165 pages
Parution : 18.11.2003

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Max Frisch
Questionnaires

8,5 × 11 cm, 304 pages
Parution : 23.10.2009

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Olivier Gadet
J’emmerde le monde/Up the world’s

11 × 17 cm, 56 pages
Parution : 15.10.2002

00:27:05 00:27:45

Maurice Rapahël
Le piano, la naine et les chiens errants

12,5 × 19,5 cm, 64 pages
Parution : 15.02.2005

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Goria
Il paraît

12,5 × 19,5 cm, 88 pages
Parution : 20.01.2004

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Jean-Baptiste Pérès
SCIASCIA Leonardo
Le grand erratum suivi de Jette le masque, Bonaparte

11 × 17 cm, 96 pages
Parution : 17.01.2003

00:47:24 00:48:00,462

Chaval
Les oiseaux sont des cons

18,5 × 22 cm,
Parution : 20.01.2009

01:38:09 01:39:40

Jean de la ville de Mirmont
Les dimanches de Jean Dézert

12,5 × 19,5 cm, 88 pages
Parution : 14.03.2008

01:40:09 01:42:56

Antoine Blondin
Ok Voltaire

12,5 × 19,5 cm, 64 pages
Parution : 24.08.2011

02:40:10 02:40:20

Raymond Cousse
Apostrophe à pivot

11 × 17 cm, 64 pages
Parution : 15.04.2001

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Herman Melville
Trois contes doubles

12,5 × 19,5 cm, 96 pages
Parution : 29.09.2005

02:45:10 02:45:20

Roberto Arlt
Le jouet enragé

12,5 × 19,5 cm, 165 pages Parution : 22.09.2011

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Padre Antonio Vieira
Le ciel en damier d’étoiles

11 × 17 cm, 120 pages
Parution : 26.09.2003

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Paul-Louis Courier
Pamphlet des pamphlets

11 × 17 cm, 112 pages
Parution : 13.09.2002

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Arthur Bernard
C’était pire avant

11 × 17 cm, 80 pages
Parution : 19.04.2002

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Gilbert Sorrentino
Steelwork

12,5 × 19,5 cm, 224 pages
Parution : 04.02.2010

02:42:50 02:43:00

André Baillon
Zonzon pepette, fille de Londres

12,5 × 19,5 cm, 130 pages
Parution : 19.05.2006

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Roberto Arlt
L’éleveur de gorilles

12,5 × 19,5 cm, 96 pages
Parution : 22.09.2011

02:43:10 02:43:20

Emmanuel Bove
Becon-les-bruyères

11 × 17 cm, 80 pages
Parution : 20.01.2009

02:45:30 02:45:40

Frans Masereel
La ville

8,5 × 11 cm, 252 pages
Parution : 16.11.2011

02:43:30 02:43:40

Félix Fénéon
Nouvelles en trois lignes

11 × 17 cm, 432 pages
Parution : 17.11.2009

01:33:44 01:37:47

Jean Rolin
L’albatros est un chasseur solitaire

12,5 × 19,5 cm, 99 pages
Parution : 24.08.2011

02:42:00 02:42:10

Ernest Coeurderoy
Jours d’exil (fragments)

11 × 17 cm, 128 pages
Parution : 10.01.2003

02:41:20 02:41:30

Ergon Erwin Kicsh
Le reporter enragé

11 × 17 cm, 128 pages
Parution : 26.09.2003

02:41:40 02:41:50

Max Fullenbaum
Titanic Banlieue

11 × 17 cm, 48 pages
Parution : 18.04.2003

02:44:30 02:44:40

Gilbert Sorrentino
La folie de l’or
— ― 12,5 × 19,5 cm, 240 pages
Parution : 04.02.2010

02:45:20 02:45:30

Frans Masereel
Mon livre d’heures

8,5 × 11 cm, 380 pages
Parution : 16.11.2011

02:44:20 02:44:30

Auguste Blanqui
Instructions pour une prise d’armes

11 × 17 cm, 80 pages
Parution : 01.09.2009

02:44:10 02:44:20

Gilbert Sorrentino
Red le démon

12,5 × 19,5 cm, 240 pages
Parution : 04.02.2010

02:41:50 02:42:00

Laurence Sterne
Le roman politique

11 × 17 cm, 64 pages
Parution : 26.09.2003

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Gilbert Sorrentino
Salmigondis (Mulligan Stew)

12,5 × 19,5 cm, 224 pages
Parution : 04.02.2010

@Le Rouge et le noir

Les petits oiseaux :

Les hommes libres :

Et les autres :

@Ours

Les ours des Rouges-gorges sont maniés par un singe: on y retrouve notamment Pégase qui compose les pages de l’Albatros. Quant aux Cosaques, dessinés par le même, les achevés d’imprimer y sont plus sobres. De toute manière, Les oiseaux sont des cons!

@Attrape-moi si tu peux

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé en Galliard, caractère dessiné par Matthew Carter en 1978, pour Mergenthaler Linotype, d’après les travaux de Robert Granjon (1513-1589).

02:40:10 02:40:20

Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé en Garamont Amsterdam, Berthold, caractère dessiné par M.F.Benton et T.M.Cleland, en 1917, édité par la Fonderie Amsterdam, Pays-Bas, d’après les travaux de Claude Garamont (1480-1561) pour le romain et de Robert Granjon (1513-1589) pour l’italique.

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé en Garamont Amsterdam, Berthold, caractère dessiné par M.F.Benton et T.M.Cleland, en 1917, édité par la Fonderie Amsterdam, Pays-Bas, d’après les travaux de Claude Garamont (1480-1561) pour le romain et Robert Granjon (1513-1589) pour l’italique.

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé en Garamont Amsterdam, Berthold, caractère dessiné par M.F.Benton et T.M.Cleland, en 1917, édité par la Fonderie Amsterdam, Pays-Bas, d’après les travaux de Claude Garamont (1480-1561) pour le romain et de Robert Granjon (1513-1589) pour l’italique.

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé en Garamont Amsterdam, Berthold, caractère dessiné par M.F.Benton et T.M.Cleland, en 1917, édité par la Fonderie Amsterdam, Pays-Bas, d’après les travaux de Claude Garamont (1480-1561) pour le romain et de Robert Granjon (1513-1589) pour l’italique.

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé en Garamont Amsterdam, Berthold, caractère dessiné par M.F.Benton et T.M.Cleland, en 1917, édité par la Fonderie Amsterdam, Pays-Bas, d’après les travaux de Claude Garamont (1480-1561) pour le romain et de Robert Granjon (1513-1589) pour l’italique.

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SP Millot, Paris. Le texte est composé en Garamont Amsterdam, Berthold, caractère dessiné par M.F.Benton et T.M.Cleland, en 1917, édité par la Fonderie Amsterdam, Pays-Bas, d’après les travaux de Claude Garamont (1480-1561) pour le romain et de Robert Granjon (1513-1589) pour l’italique.

02:41:10 02:41:20

Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé en Garamont Amsterdam, Berthold, caractère dessiné par M.F.Benton et T.M.Cleland, en 1917, édité par la Fonderie Amsterdam, Pays-Bas, d’après les travaux de Jean Jannon (1580-1658). Publié avec le concours de la Région Rhône-Alpes.

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé en Garamont Amsterdam, Berthold, caractère dessiné par M.F.Benton et T.M.Cleland, en 1917, édité par la Fonderie Amsterdam, Pays-Bas, d’après les travaux de Jean Jannon (1580-1658).

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«Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé en Garamont Amsterdam, Berthold, caractère dessiné par M.F.Benton et T.M.Cleland, en 1917, édité par la Fonderie Amsterdam, Pays-Bas, d’après les travaux de Jean Jannon (1580-1658)»

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé en Garamont Amsterdam, Berthold, caractère dessiné par M.F.Benton et T.M.Cleland, en 1917, édité par la Fonderie Amsterdam, Pays-Bas, d’après les travaux de Jean Jannon (1580-1658).

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé en Garamont Amsterdam, Berthold, caractère dessiné par M.F.Benton et T.M.Cleland, en 1917, édité par la Fonderie Amsterdam, Pays-Bas, d’après les travaux de Jean Jannon (1580-1658).

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé en Garamont Amsterdam, Berthold, caractère dessiné par M.F.Benton et T.M.Cleland, en 1917, édité par la Fonderie Amsterdam, Pays-Bas, d’après les travaux de Claude Garamont (1480-1561) pour le romain et de Robert Granjon (1513-1589) pour l’italique.

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé en Olympian, caractère dessiné par Matthew Carter, en 1970, pour Linotype.

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Les titres et les textes sont composés en Borges, caractère dessiné par Alejandro Lo Celso, disponible en toutes tailles chez Pampatype. En 2002 Borges est primé au concours Morisawa par Matthew Carter.

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Les titres sont composés en Big Caslon, caractère dessiné par Matthew Carter. Herman Melville est né en 1819. La même année William Caslon IV cède la prestigieuse fonderie établie, en 1720, par son arrière grand-mère.

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé en Charter, caractère dessiné par Matthew Carter, en 1970, pour Linotype.

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(Images: Je disais donc) que ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages est dessiné par SpMillot, Paris. Les titres et les textes sont composés les uns en helvetica compressed, les autres en itc charter, tous dessinés par Matthew Carter, Royaume-Uni.

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par O’SpMillot, Paris. Les textes sont composés en Alisal, dessiné par Matthew Carter en 2006 pour Monotype, sur le modèle d’une vénitienne, en Clochecentenaire, encore une fois par M.C. pour les annuaires de la compagnie de téléphone Bell, Usa, et en Machineàécrireaméricaine par un ami de longue date du même.

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé en Garamont Amsterdam, Berthold, caractère dessiné par M.F.Benton et T.M.Cleland, en 1917, édité par la Fonderie Amsterdam, Pays-Bas, d’après les travaux de Jean Jannon (1580-1658).

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé en Garamont Amsterdam, Berthold, caractère dessiné par M.F.Benton et T.M.Cleland, en 1917, édité par la Fonderie Amsterdam, Pays-Bas, d’après les travaux de Jean Jannon (1580-1658).

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé en Garamont Amsterdam, Berthold, caractère dessiné par M.F.Benton et T.M.Cleland, en 1917, édité par la Fonderie Amsterdam, Pays-Bas, d’après les travaux de Jean Jannon (1580-1658).

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé en Garamont Amsterdam, Berthold, caractère dessiné par M.F.Benton et T.M.Cleland, en 1917, édité par la Fonderie Amsterdam, Pays-Bas, d’après les travaux de Jean Jannon (1580-1658).

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé en Garamont Amsterdam, Berthold, caractère dessiné par M.F.Benton et T.M.Cleland, en 1917, édité par la Fonderie Amsterdam,Pays-Bas, d’après les travaux de Jean Jannon (1580-1658). Le tout est poinconné aux Lilas.

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé et patati et patata.

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En 1796, Archibald Binny & James Ronaldson fondent à Philadelphie les ateliers Binny & Ronaldson. En 1804, Caleb P.Wayne imprime le premier volume de La vie de Washington de John Marshall avec l’alphabet Pica Roman No.1 du catalogue Binny & Ronaldson.
En 1806, ceux-ci acquièrent le matériel de fonderie que Benjamin Franklin avait achevé, en France, 20 ans plus tôt.
En 1822, Thomas Jefferson remercie James Ronaldson de son envoi, un spécimen de caractères, et lui dit toute son admiration.
En 1940, C.H Griffith avec l’aide de P.J.Conkwright édire pour Linotype une nouvelle version de B. & R. Pica No1 qu’il nomme «Monticello» en hommage à Jefferson, donc à son maître A.Palladio et à son traité
I Quattro Libri dell’Architettura*.
En 2003, les Presses universitaires de Princeton demandent à Matthew Carter un nouveau dessin digital du même Pica.
En 2009, SpMillot acquiert auprès de Carter & Cone, «The Full Monti».
MM.IX. Roma

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé en Garamont Amsterdam, Berthold, caractère dessiné par M.F.Benton et T.M.Cleland, en 1917, édité par la Fonderie Amsterdam, Pays-Bas, d’après les travaux de Jean Jannon (1580-1658), mais aussi sur machine à écrire.

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Qui fabriqua ce livre? Des artisans à Los Altos et en plein air? À la main? Peut-être dans une fabrique de chemisiers? Ou dans un chemisier? Qui le dessina? Qui créa la bande dessinée Skippy? Qui, à propos les avait qualifiés de «troupe pleine d’esprit»? Mais toutes ces préocuppations ne devraient-elles pas être remises à plus tard devant les délices de la soirée fraîche et claire qui enveloppait le Diamond X tel un drap agréablement humide?

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Achevé d’imprimer par les Éd. cent pages sur un dessin de SpMillot. La photographie du pont de Brooklyn, Robert Fields Jeantet. L’alphabet, porté sur le billet. Il faut un bobinement parfait, dit Al, si on veut vendre quelque chose. Les cartes de vŒux ne font absolument pas exception. Pas vrai, Philip? Absolument, dit Philip. From Roma to Brooklyn. MMX

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Achevé ABCDEFGHIJKLMNOPQRSTUVWXYZabcdefghijklmnopqrstuvwxyz0123456789
de fabriquer par les éditions Cent pages, dessiné par SpMillot, et animé, des vertes étendues de la pampa argentine aux sonorités argotiques du lunfardo de la rue Corrientes, par l’un des Sept fous de Arlt, le Chercheur d’or, Alejandro Lo Celso. C’est Horacio Coppola qui a réalisé les vues d’entrée et de sortie d’ouvrage. Buenos Aires Nancy Paris. À Tanger ça tangue aussi.

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages & dessiné par SpMillot. Il a été tiré cent exemplaires comportant une zaquette, tous numérotés par l’éditeur. Paris-Bordeaux MMXI. 096

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Ce livre est c’est fabriqué Alejandro par les éditions Cent pages Lo Celso et dessiné qui a par SpMillot, tracé Paris. les alphabets rocambolesque locos et tarabiscotés: ARLT.

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé sur la pointe des pieds, formant une spirale, une vraie rosette. «Naïve et frêle enfant de l’eau, des fleurs, des branches, C’est toi la pure, c’est toi la franche» É.V., Quinze poèmes.

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Ce livre est fabriqué par les éditions Cent pages et dessiné par SpMillot, Paris. Le texte est composé sur la pointe des pieds. Tranché. «Ne fermez pas vos portes, orgueilleuses bibliothèques, Car ce qui manquait sur vos rayons bien remplis, mais dont on a bien, Je l’apporte, Au sortir de la guerre, j’ai fait un livre Les mots de mon livre, rien; som âme, tout; Un livre isolé,sans attache, avec les autres, point senti avec l’entendement. Mais à chaque page, vous allez tressaillir de choses qu’on n’a pas dites» w.w., Feuilles d’herbes

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Achevé d’imprimer par les éditions Cent pages sur un dessin de SpMillot, Paris. Et, quand Persée lui eut tranché la tête, le grand Chrysaor surgit, avec le cheval Pégase. Tous deux reçurent ces noms, l’un parce qu’il était né aux bords des flots d’Océan, l’autre parce qu’en ses mains il tenait une épée d’or. Et Pégase, prenant son envol, quitta la terre, mère des brebis et s’en fut vers les Immortels. Il habite aujourd’hui le palais de Zeus, portant le tonnerre et la foudre pour le compte du prudent Zeus. HÉSIODE De Rome aux Terres Australes, MMXI

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Achevé d’imprimer par les éditions Cent pages sur un dessin de SpMillot, et sous une peinture de Breughel. Le caractère utilisé n’est pas du Bodoni. Le corps est en deça du 12. L’interligne ne vaut pas trois points. PARIS HOTEL DE ROUBAIX MMXI

@Petit ours brun joue à cache-cache

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@Le Jeu de l’amour et du hasard

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@Demande à la poussière

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@Iconographie

Le café Pombo, Monticello, un vélo,
Un ticket de cinéma, hahaha, Horacio Coppola,
Un fauteuil Voltaire, le questionnaire, un chasseur solitaire,
Voyage au centre de la Terre, revolver, Buenos Aires,
Bécon-les-Bruyères, le paradis des célibataires,
Des clés, des mystères.

@Le Cabinet de curiosités

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@Mythologies

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@Mise en livre

Raoul, Jan, Villard, Pierre, Robert: le panthéon de la mise en page. Et Philippe se tourna vers ces précurseurs pour continuer inlassablement sa quête du Livre sans page.

@L’Éducation sentimentale

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Posture de l’érudit

Lorsqu’on pense à l’histoire française du livre, on pense d’abord à Pierre Faucheux et Robert Massin dont nous connaissons tous une partie des travaux à travers des collections telles que Folio de Gallimard pour Massin ou encore Point, la collection Livre de Poche aux éditions du Seuil ou encore Hachette pour Faucheux. Ces derniers, par l’originalité et l’ampleur de leurs recherches auront profondément marqué le visage de l’édition française des années 1950 jusqu’à la fin des années 1970.

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Philippe Millot a pris le temps d’étudier leurs travaux, et celui des autres d’ailleurs, remontant jusqu’à l’origine du livre, ce qui l’a amené à travailler sur le livre médiéval lors de sa résidence à la Villa Médicis en 2009.

Fort de ces connaissances et du temps passé à étudier les différents manuscrits de la Bible, ou encore les schémas de mise en pages de Villard de Honnecourt et autres Rosarivo, Philippe Millot réintroduit certains de ces éléments dans sa pratique du dessin de livres aujourd’hui. Ainsi ce qui pourrait apparaître à un public non averti comme des bizarreries ou des excentricités de mises en page, sont souvent des références très précises. Par ce biais-là Philippe Millot réactive un pan de l’histoire du livre, des moines copistes aux Clubs des livres français, cher à la tradition bibliophile.

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Pour les éditions Cent pages, et plus généralement dans l’approche qu’il a de son métier, Philippe Millot emprunte des éléments aux livres anciens ou médiévaux afin de donner une nouvelle forme à des textes réédités dans un format poche. Il y a là encore un retour à la tradition puisqu’il parle de dessiner les livres. Ce retour à la main est une façon encore une fois de discuter avec le passé pour mieux bousculer les formes d’aujourd’hui. Il se dit d’ailleurs à la fois artisan et artiste et préfère au terme de graphiste celui de faiseur de livre.

On aura compris que rien n’est laissé au hasard chez cet érudit bibliophile, et ce qui peut être pris pour un retour au classicisme est une façon de «casser» le livre pour mieux le reconstruire; avec la rigueur qui est la sienne. Vous ne serez pas surpris alors d’apprendre que dans sa bibliothèque, Philippe Millot a choisi de classer ses livres par couleurs plutôt que par auteurs ou par collections…

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Dessiner la page

Aujourd’hui, le livre comme média prend de plus en plus d’importance. Le petit monde regroupant ses acteurs constate que l’attrait pour la «mise en livre» continue de progresser. Il nous invite à prendre conscience de ce média et de ses enjeux afin de mieux y répondre, à l’image d’Emmanuël Souchier, en 2008, à Échirolles qui disait: «Nous formons l’œil de la culture dans laquelle nous vivons.» Le livre est un objet qui touche à l’intime via l’expérience personnelle qu’il procure à chacun, mais il s’adresse aussi à la collectivité en sa qualité de mémoire. Cet objet définissable entre médiation et fabrication, remplit une fonction sociale qui n’est plus à démontrer. La pratique éditoriale qui en découle, associe le texte et son image via la typographie. Il suffit d’ailleurs d’observer un même texte édité dans différentes structures pour se rendre compte de la diversité des humeurs, des visuels et des interventions avec lesquels ils sont composés. Son lecteur l’appréhendera de différentes manières, qu’il s’agisse de le survoler ou d’en faire une lecture plus approfondie. Avec les éditions Cent pages et le travail de Philippe Millot, chacun y trouvera son compte. Cet amoureux du graphisme éditorial transforme la mise en livre en poésie. Tout en respectant le fait que ces textes appartiennent à la littérature, ces collections poche dessinées pour les éditions Cent pages dégagent quelque chose entre l’élégance, l’humour et l’érudition qui sont propres à Philippe Millot.

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Au cours des siècles, différentes méthodes ont été élaborées pour définir l’harmonie entre le rectangle du format de page et celui de l’empagement. Toutes ces méthodes sont basées sur des rapports géométriques, dont celui du nombre d’or. Il s’agit ici de déterminer dans quelle mesure Philippe Millot s’inspire ou se détache de ses prédécesseurs. Le travail de Jan Tschichold [1902-1974] dans son livre Livre et Typographie est un point de départ. Figure du graphisme incontournable, ce dessinateur de caractère, maquettiste, enseignant et écrivain allemand a réactivé et mis en lumière des canons de l’organisation médiévale des pages tels que les meilleurs copistes les avaient utilisés. La proportion de la feuille est de 2/3 et la hauteur du rectangle d’empagement est égale à la largeur de la feuille. Ce sont des proportions que nous retrouvons régulièrement dans les livres Cent pages, notamment dans la collection Rouge-gorge, avec par exemple Le Petit bossu de Roberto Arlt.

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Cette collection, avec ses tranches rouge sang et ses noms d’oiseaux en a fait sourire plus d’un. Pourtant cet aspect particulier semble venir d’une référence au corps tranché du Christ, duquel tomba une goutte de sang venant mettre en avant le poitrail d’un oiseau appelé rouge-gorge. Nous pourrions ainsi dire que Philippe Millot, par ce choix, rend hommage au corps tranché du livre. Un autre livre de la même collection est emprunt de religiosité: Le Piano, la naine et le chien errant, de Maurice Raphaël, (récit parcouru par la mort) suit un empagement à la façon d’un livre de prière de la fin du XVe décrit également par Jan Tschichold.

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Jan Tschichold étudia et vulgarisa des observations telles que celles de Raùl M. Rosarivo [1906-1966], qui était un typographe, poète, peintre et illustrateur argentin. Il publia en 1947 Divine proportion typographique, où il analyse des livres de la Renaissance, à l’aide d’outils tels que le compas ou la règle. Il y décrit notamment l’utilisation du nombre d’or qui permet d’établir une harmonie entre l’espace de la page et le texte imprimé. Pensant avoir découvert le secret de fabrication des mises en page du XVe siècle, le tracé régulateur qu’il mit au point cherchait à rendre compte de proportions idéales. Il s’intéressa notamment à la Bible de Gutenberg, qui le passionnait, au nombre d’or qui apporterait l’harmonie des blancs et un rapport idéal divin entre tous les éléments typographiques de la page et enfin à l’idée d’établir une proportion fixe, un rapport qui s’adapte systématiquement à la variation d’un format. Ce tracé consistait à diviser la hauteur d’une page en 9 parties égales, quelques segments permettant de déterminer marges et fonds. Puis en retournant ce schéma, les proportions de la page paire étaient ainsi trouvées. Le nombre d’or est la proportion, définie initialement en géométrie comme le rapport idéal. Le Petit bossu, de la collection Rouge-gorge, semble également inspiré de ce tracé régulateur.

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D’autres tels que Van de Graaf ont notamment découvert ce qui serait la méthode de division d’une double-page, utilisée dans de nombreux manuscrits médiévaux et autres incunables. Il travaillait sur les différentes proportions, valables sur n’importe quelle page, qui permet au designer de placer le texte à un endroit spécifique.

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Enfin le chevalier Villard de Honnecourt, architecte du XIIIe siècle, propose ses canons de divisions, basés sur la symétrie, où la diagonale qui traverse la double-page et les points d’intersection sont la clef du tracé. Quelques ouvrages de la collection Rouge-gorge semblent inspirés de ce canon, comme Zonzon pépette, d’André Baillon, Red le démon, de Gilbert Sorrentino ou L’Éleveur de gorilles de Roberto Arlt.

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L’autre collection des éditions Cent pages se nomme Cosaques et peut être séparée en deux catégories. Les anciens et les nouveaux Cosaques. L’ensemble de la collection se base sur le même format, 11×17cm. Excepté Apostrophe à Pivot, qui était la première publication de la collection, les anciens Cosaques sont basés sur un format de bloc texte fixe: 8,5×12,5 à 13cm. Le grand fond, la marge de tête et le petit fond tournent tous autour de 1cm et les marges de pied autour de 3cm. Une grande régularité se ressent dans cette collection. Les variables tiennent aux différentes justification des textes et aux détails de l’empagement comme par exemple pour Le Ciel en damier d’étoiles, de Padre Antonio Vieira, où les notes de bas de page sont assumées et occupent le tiers de la page en bas lorsqu’elles ont besoins d’être placées.

Les nouveaux Cosaques quant à eux sont beaucoup plus fluctuants dans leurs approches. Une ligne de conduite est gardée pour le format, avec des variantes qui consistent à adopter le demi-format de base ou de le doubler comme pour le récit dessiné de Chaval, Les Oiseaux sont des cons. Ceci est sans doute inspiré du format in quarto.

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Détournement, reprise et références

Phillipe Millot se plait à multiplier les références à l’histoire du livre.

Il étudie, dissèque les écrits du passé, la façon dont ils sont construit. La somme de ces observations constitue un formidable répertoire d’idées de mise en page; une source d’inspiration intarissable. La citation, le détournement et l’allusion sont au cœur de sa pratique. Un façon de s’inscrire dans une filiation, des moines copistes à Pierre Faucheux en passant par Laurence Sterne. De ce dernier, les éditions Cent pages ont d’ailleurs republié l’ouvrage Le Roman politique que Philippe Millot met en page fidèlement en prenant soin de restituer toute la fantaisie typographique de l’original. Cependant son travail pour Cent pages n’est jamais passéiste; tout au plus empreint d’une certaine nostalgie. Au contraire, il propose, pour qui le veut vraiment, une alternative à l’édition contemporaine traditionnelle. Aujourd’hui chez de trop nombreux éditeurs, le travail du graphiste se limite à la première de couverture. À sa manière, à son rythme, presque dans son coin, Philippe Millot lutte contre l’uniformisation des écrits.

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Un important travail sur le gris typographique va guider une partie de sa pratique. Dense et noir, il constitue un véritable maillage fait de lettres, signes et espaces s’enchaînant page après page. Cette recherche jette un pont entre les origines de l’imprimerie et aujourd’hui, puisqu’elle tend à retrouver la noirceur propre aux incunables.

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Plus concrètement, cela se traduit par des choix de polices de caractère bien particulières ainsi qu’une extrême importance accordée à la micro-typographie. Phillipe Millot n’hésite pas à réduire au maximum l’interlettrage et les blancs entre les mots. Parfois les mots se touchent quasiment. Ainsi la ligne est rythmée par la lettre et non plus par le mot: les blancs inhérents aux dessins des lettres acquièrent autant d’importance que ceux créés par les espaces entre les mots.

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Le texte et sa composition gagnent en densité, se constituent en blocs et certains y verront sans doute une incarnation du fameux «pavé de texte». Mais peu importe: c’est le sentiment de continuité qui prime. Jamais le texte ne doit sembler s’interrompre, il doit défiler, retrouver quelque chose de la fluidité des volumen et des rotulus.

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Toujours dans cette optique et pour conserver le bloc d’empagement, la page se retrouve souvent dénuée de l’artifice paratextuel qu’est le rappel de chapitre, d’ouvrage.

Dans L’Éleveur de Gorilles, Philippe Millot va même jusqu’à camoufler le rappel de chapitre en le positionnant quasiment dans le pli central. Dans Zonzon Pépette, numéros et titres des chapitres sont intégrés au bloc de texte, sur la première ligne de la page. Seule la police et le corps utilisé définissent une démarcation. On retrouvait ce procédé au Moyen-Âge vers le XIIe siècle, époque à laquelle la page de titre n’existait tout simplement pas encore. Il faudra attendre l’avènement de l’ère scolastique pour voir se développer tout l’appareil textuel (titres, chapitres, index, etc.) que nous connaissons aujourd’hui.

En fait seuls les folios (car jugés indispensables?) viennent systématiquement «perturber» l’intégrité du bloc d’empagement. Mais c’est sans compter sur la ruse du dessinateur de livre qui retourne le problème. Il transforme ces éléments immobiles («Vous êtes ici.») en éléments qui vont favoriser la continuité de la lecture. Souvent la pagination est dans le même corps que le texte courant, très proche du bloc; parfois des jeux de transparence entre les pages ou une alternance romain/italique viennent appuyer cet effet.

Participant de cette même volonté d’un texte continu, Philippe Millot va retirer les alinéas indiquant les changements de paragraphes pour leur substituer des espaces, des «creux», ou encore des éléments graphiques d’une largeur fixe. Se faisant, il évoque l’âge gothique durant lequel, par souci d’économie, il arrivait que les paragraphes sans alinéa soient simplement signifiés par des «pieds-de-mouches». Mais plus encore, il évoque un lointain passé où ceux qui lisaient les textes les connaissaient et n’avaient donc pas besoin qu’on leur facilite la lecture. Dans les monastères, on apprenait les textes par cœur, on les ruminait (ruminatio). De ce fait, nul besoin de donner d’indications aux lecteurs donc pas de pagination, ni d’alinéa: la lecture était une activité savante.

Philippe Millot, en multipliant les clins d’œil à l’histoire du livre, fait le bonheur de tous les bibliophiles et des typographes avertis.

@Exercices de style

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site du centre du Graphisme à Echirolles

site d’Emmanuël Souchier

Comparaison entre deux éditions différentes de Le Petit bossu de Roberto Arlt, la première édition de 1998 des éditions Cent pages et sa réédition de 2003 à gauche.

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Schéma tracé par Jan Tschichold. Datant de 1953, il s’agit du canon secret qui servit de base à de nombreux manuscrits de la fin du Moyen-Âge et à des incunables. L’une de ses caractéristiques est que la hauteur du bloc texte correspond à la largeur de la feuille.

notice sur Jan Tschichold sur Wikipédia

article “La typographie asymétrique de Jan Tschichold” paru sur typographisme.net

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Schéma d’une spirale issue du nombre d’or, qui est une proportion définie en géométrie par un calcul précis. Adapté à la mise en page, il permet d’obtenir des marges équilibrées._

notice sur le nombre d’or sur Wikipédia

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Canon établi par Raùl Rosarivo. Il s’agit d’un tracé permettant de déterminer des marges proportionnées sur la page de droite. On obtient la page de gauche par symétrie. La ligne 0 marque le bas de la page et la 9 situe le point supérieur gauche de la page. La 2e permet de trouver les blancs de pied et de grand fond; la 8e ceux de tête et de petit fond. À l’intersection de la ligne 7 et de la diagonale se trouve le point riche de la page (Point sur lequel l’œil se focalise en premier.)_

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lire en ligne «La typographie de la Bible de Gutenberg» d’Adolf Wild sur persee.fr

La Bible b42 est le premier incunable connu, imprimé par Johannes Gutenberg, Peter Schöffer et Johann Fust, vers 1455. Il s’agit d’une Bible en deux volumes, composée en deux colonnes à quarante-deux lignes par page, d’où son nom.

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Canon de division selon le chevalier Villard de Honnecourt. Datant du XIIIe siècle, c’est un tracé dont les points d’intersection sont la clé. Il s’appuie sur la symétrie et la diagonale de la double-page.

notice sur Villard de Honnecourt sur Wikipédia

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Jeux des formats de la collection Cosaques. Demi-Cosaque, Cosaque et double Cosaque

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Variations des gris typographiques dans la collection Rouge-gorge.

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«(…)Un tel rythme, que l’on a l’impression que cela ne varie jamais, ça avance, c’est vraiment de la maille.»

«(…)Une qualité que moi je recherche, qui est la noirceur. Un alphabet beaucoup plus noir que les autres, qui vient de la noirceur de l’alphabet gothique de Gutenberg.»

Philippe Millot - interview donnée au blog Rencontres & Images - 2009

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Mise en avant de substitution de retour à la ligne par des pieds de mouches redessinés par Philippe Millot.

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Valeur fixe, normée de blanc faisant office de retour à la ligne

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Mise en avant de folios.

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numéro et titre des chapitres intégrés au bloc de texte

@La planète des singes

  • L’atelier Bruxellois <stdin> composé de Stéphanie Vilayphiou et Alexandre Leray.
  • Les étudiants de 3e année communication: Marine Benz, Alice Durquet, Luc de Fouquet, Fabien Goutelle, Marie Hume, Alice Jauneau, Elise Jeanniot, Allison Legavre, Lucas Meyer, Alexa Perchemal et Océane Tur.
  • Leurs enseignants, Isabelle Jégo et Bachir Soussi-Chiadmi.
  • Active Archives, un système wiki libre réalisé par Constant.
  • Le caractère typographique libre Charis.

École européenne supérieure d’art de Bretagne - site de Rennes 34 rue Hoche, 35000 Rennes

Tous nos remerciements à Olivier Gadet, directeur des éditions Cent pages et à Sophie et Philippe Millot pour la confiance qu’ils nous ont accordée.

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